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Extraits de la décision de la CRA du 26 avril 2004, D.E., Erythrée

Art. 32 al. 2 let. a LAsi : non-entrée en matière sur une demande d’asile ; indices de persécutions et exigences en matière de preuve.

1. Les exigences relatives au degré de preuve pour déterminer l’existence d’indices de persécution au sens de l’art. 32 al. 2 let. a LAsi sont réduites. Dès qu’un examen succinct des faits allégués laisse apparaître des signes tangibles et probables de préjudices émanant d’une personne, qu’il s’agisse d’un agent de l’Etat ou d’un particulier, l’ODR doit entrer en matière sur la demande d’asile et procéder à un examen matériel de celle-ci (consid. 5b).

2. La situation actuelle des déserteurs érythréens est telle qu’elle nécessite un examen détaillé des risques encourus en cas de retour. Cet examen dépasse le cadre restreint d’une analyse prima facie des indices de persécution auquel il sied de se limiter pour savoir s’il y a lieu ou non d’entrer en matière sur une demande d’asile (consid. 5c).

3. Une décision de non-entrée en matière selon l’art. 32 al. 2 let. a LAsi qui se limite à constater le manque, même manifeste, de pertinence des allégations du requérant au sens de l’art. 3 LAsi pour conclure à l’absence d’indices de persecution, procède d’un examen trop étroit de la notion de persécution (consid. 6b ; JICRA 2003 n° 18).

Art. 32 Abs. 2 Bst. a AsylG : Nichteintreten auf das Asylgesuch; Hinweise auf eine Verfolgung; Anforderungen an das Beweismass.

1. Die Anforderungen an das Beweismass, dem Hinweise auf eine Verfolgung im Sinne von Art. 32 Abs. 2 Bst. a AsylG genügen müssen, sind herabgesetzt. Sobald sich bei einer summarischen Prüfung der Vorbringen greifbare Hinweise auf mögliche Nachteile ergeben, die von Menschenhand, sei es von staatlicher oder von privater Seite, ausgehen, muss das BFF auf das Asylgesuch eintreten und eine materielle Prüfung vornehmen (Erw. 5b).

2. Die aktuelle Situation der eritreischen Deserteure erfordert eine einlässliche Prüfung der Gefahren, die im Falle einer Rückkehr drohen. Diese Analyse geht über den Rahmen einer prima facie Prüfung von


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Hinweisen auf eine Verfolgung, auf welchen sich die Eintretensfrage zu beschränken hat, hinaus (Erw. 5c).

3. Nimmt ein Nichteintretensentscheid gemäss Art. 32 Abs. 2 Bst. a AsylG lediglich auf die (allenfalls gar offensichtlich) fehlende asylrechtliche Erheblichkeit im Sinne von Art. 3 AsylG Bezug, um Hinweise auf eine Verfolgung zu verneinen, so geht er von einem zu engen Verfolgungsbegriff aus (Erw. 6b; EMARK 2003 Nr. 18).

Art. 32 cpv. 2 lett. a LAsi: non entrata nel merito di una domanda d’asilo; grado di prova per ammettere l’esistenza d’indizi di persecuzione.

1. Il grado di prova per ammettere l’esistenza d’indizi di persecuzione ai sensi dell’art. 32 cpv. 2 lett. a LAsi è ridotto. Allorquando, nell’ambito di un esame preliminare, emergono elementi tangibili di una probabile esposizione a pregiudizi imputabili all’agire umano, da parte di un agente statale o di terza persona, l’UFR deve entrare nel merito della domanda d’asilo e procedere ad un esame di merito della domanda medesima (consid. 5b).

2. La situazione attuale dei disertori eritrei è tale da necessitare un esame dettagliato dei rischi potenziali in caso di rimpatrio. Tale esame esorbita lo stretto ambito di quello, limitato, previsto in materia di non entrata nel merito (consid. 5c).

3. Una decisione di non entrata nel merito, giusta l’art. 32 cpv. 2 lett. a LAsi, che si limita a constatare l’irrilevanza ai sensi dell’art. 3 LAsi, anche se manifesta, delle allegazioni del richiedente l’asilo non tiene conto della nozione di persecuzione in senso lato di cui alla giurisprudenza della CRA, comprendente anche altri atti imputabili all’agire umano (consid. 6b; GICRA 2003 n. 18).

Résumé des faits :

D. E. a déposé une demande d’asile, le 18 août 2003. Il a déclaré être né à Asmara, le 24 février 1980, et être d’origine tigréenne. En octobre 1997, il aurait été enrôlé de force dans l’armée érythréenne. Après un entraînement intensif au camp militaire de Sawa, durant six mois, il aurait été incorporé dans une unité de défense en tant que chauffeur de bulldozer. En juin 2000, il aurait profité d’un


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congé pour aller se réfugier au Soudan où il aurait vécu jusqu’en août 2003. Il aurait alors décidé de rejoindre la Suisse en raison de risques d’être expulsé vers l’Erythrée par le gouvernement soudanais. Le 15 octobre 2003, l’ODR a rendu une décision de non-entrée en matière sur la demande d’asile de D.E. en application de l’art. 32 al. 2 let. a LAsi. D.E. a recouru contre cette décision, le 14 novembre 2003, en faisant valoir notamment son statut de déserteur.

La CRA a cassé la décision attaquée et renvoyé l’affaire à l’ODR pour nouvelle décision.

Extraits des considérants :

5 a) Il reste à examiner si l'ODR pouvait refuser d'entrer en matière sur la demande d'asile en niant l'existence d'indices de persécution au sens de l'art. 32 al. 2 let. a LAsi.

b) La question de savoir s'il existe des indices de persécution nécessitant qu'il soit entré en matière sur la demande d'asile doit faire l'objet d'un examen préjudiciel (art. 29 OA 1). Selon une jurisprudence constante, les exigences relatives au degré de preuve sont réduites en cette matière (JICRA 2004 n° 5, consid. 4c bb et 1999 n° 16 consid 4b p. 107s.). Elles sont moins élevées que celles requises à l'art. 7 LAsi pour déterminer la qualité de réfugié. L'autorité de première instance doit se limiter à un examen prima facie des déclarations du requérant en auditions et des éventuels moyens de preuve. Ce n'est qu'en l'absence manifeste d'indices de persécution au sens large qu'elle peut rendre une décision de non-entrée en matière. Dès qu'un examen succinct des faits allégués laisse apparaître des signes tangibles, apparents et probables de préjudices émanant de l'être humain quel qu'il soit (agent étatique ou personne privée), l'ODR doit entrer en matière sur la demande d'asile et procéder à un examen matériel de celle-ci.

c) En l'espèce, le recourant a fait valoir son statut de déserteur de l'armée érythréenne et les dangers que ces personnes encourent dans son pays. La Commission confirme que leur situation en Erythrée est précaire. En effet, plusieurs rapports font état de cas de déserteurs et d'insoumis qui ont été détenus arbitrairement, contraints d'exécuter des travaux forcés, voire soumis à des actes de torture (cf. notamment UNHCR, Position on the Return of Rejected Asylum-Seekers to Eritrea, janvier 2004; Eritrea Country Report on Human Rights Practices, US Department of State, 31 mars 2003). Selon les mêmes sources, le gouvernement érythréen a déployé dès l'année 2000 une police spéciale ("wetaderawi police" ou "wepo") chargée de faire la chasse à ces personnes et d'enrôler de force


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les jeunes en âge de servir (cf. également BBC News Africa du 18 juillet 2002; BBC Monitoring Africa du 30 juin 2003; Country Assessment Eritrea, British Home Office, avril 2003). Il sied également de préciser que le code pénal érythréen (Eritrean Transitional Penal Code) prévoit plusieurs sanctions pour la désertion, parmi lesquelles figure la peine de mort dans les cas particulièrement graves. Au vu de ces éléments, il apparaît clairement, à première vue déjà, qu'un déserteur érythréen peut être exposé, suivant les circonstances, à des mauvais traitements en cas de retour dans son pays. L'examen détaillé de cette question, au regard des particularités du cas d'espèce, dépasse le cadre restreint d'un examen prima facie des indices de persécution, auquel l'ODR doit se cantonner pour savoir s'il y a lieu d'entrer ou non en matière sur une demande d'asile. C'est donc à tort que l'ODR n'est pas entré en matière sur la demande d'asile de l'intéressé.

6 a) Dans sa décision du 15 octobre 2003 et dans ses déterminations du 25 novembre 2003, l'ODR soutient qu'il n'y a pas lieu d'admettre l'existence d'indices de persécution au sens de l'art. 32 al. 2 let. a LAsi s'il est évident, dans le cadre d'un examen prima facie, que les motifs d'asile invoqués ne sont pas pertinents pour la qualité de réfugié. Tel serait le cas, selon cette autorité, lorsque le requérant invoque uniquement la situation générale prévalant dans son pays d'origine, lorsque les poursuites invoquées découlent d'une procédure pénale, civile ou administrative légitime, en cas d'absence incontestable de lien de causalité entre les faits allégués et la fuite du pays d'origine de l'intéressé, ou encore lorsque les motifs en question se réfèrent exclusivement à une persécution de tiers.

b) Cette conception est contraire à la jurisprudence de la Commission selon laquelle la notion de persécution au sens large de l'art. 32 al. 2 let. a LAsi ne comprend pas seulement les sérieux préjudices de l'art. 3 LAsi, mais de manière générale tous ceux qui émanent de l'être humain. Cela englobe également les tortures et les traitements inhumains et dégradants dans le pays d'origine ou de dernière résidence de l'intéressé, au sens des art. 3 CEDH et 3 Conv. torture, les situations de guerre, de guerre civile et de violence généralisée (cf. JICRA 2003 n° 18 p. 109ss, notamment consid. 5b p. 114ss, n° 19 p. 122ss, n° 20 p. 127ss).

En examinant la question de l'existence d'indices de persécution à la seule lumière de l'art. 3 LAsi, l'ODR méconnaît les autres éléments compris dans la notion de persécution au sens large énumérés ci-dessus. Cela revient à procéder à un examen succinct de la qualité de réfugié, comme en cas de non-entrée en matière à la suite du dépôt d'une seconde demande d'asile au sens de l'art. 32 al. 2 let. e LAsi. Or, tel n'est manifestement pas le sens qu'a voulu donner le législateur à la notion d'indices de persécution des art. 32 al. 2 let. a, 33 et 35 LAsi.


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Aussi, une décision de non-entrée en matière qui, selon la conception de l'ODR, se limiterait à constater le manque même manifeste de pertinence des allégations du requérant au sens de l'art. 3 LAsi pour conclure à l'absence d'indices de persécution, procéderait d'un examen trop étroit de la notion de persécution et devrait en principe être cassée.

c) Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'autorité de première instance a nié l'existence d'indices de persécution au sens large, d'une part, parce que les sanctions liées à la désertion ne seraient pas prononcées pour l'un des motifs énoncés à l'art. 3 LAsi, mais dans le cadre du droit pénal ou administratif militaire et, d'autre part, parce qu'il n'était pas démontré, en l'état du dossier, que le requérant pourrait faire l'objet de peines disproportionnées pour l'un des motifs énoncés à l'art. 3 LAsi.

 

 

 

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