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Extraits de la décision de la CRA du 2 juin 2000, G. M. et M. K., République démocratique du Congo

[English Summary]

Art. 51 LAsi : asile accordé aux familles, enfant d'un des conjoints.

L'enfant du conjoint qui a obtenu l'asile à titre dérivé (formellement) peut obtenir l'asile familial, pour autant qu'il y ait vie commune effective entre cet enfant et l'autre conjoint qui, lui, a obtenu l'asile à titre primaire.

Art. 51 AsylG: Familienasyl, Einbezug des Stiefkindes.

Bei Heirat mit einem Flüchtling, welchem das Asyl aufgrund eigener Fluchtgründe gewährt worden war, wird das minderjährige Kind des Ehegatten (Stiefkind) in das Familienasyl einbezogen, sofern das Kind mit beiden Ehegatten zusammen lebt.

Art. 51 LAsi : asilo accordato a famiglie; inclusione di un figliastro.

Il figlio del coniuge che ha ottenuto l'asilo a titolo derivato può ottenere l'asilo accordato ai membri della famiglia solo allorquando l'altro coniuge abbia ottenuto l'asilo a titolo primario e vi sia vita comune con lo stesso.

Résumé des faits :

M.K. a été mis au bénéfice du statut de réfugié en Suisse, le 19 décembre 1986. Son épouse, D.M., a obtenu l'asile, le 8 juin 1999, en application de l'ancien art. 3 al. 3 LAsi (octroi de l'asile au conjoint d'un réfugié). Le 22 octobre 1999, D.K. et M.K. ont sollicité l'inclusion du fils de D.K., G.M., dans leur statut de réfugié. L'ODR a rejeté cette requête, retenant que D.K. avait obtenu l'asile à titre dérivé, ce qui constituait un motif particulier d'opposition à l'octroi de l'asile aux familles au sens de l'art. 51 al. 1 LAsi.

La CRA a admis le recours.


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Extraits des considérants :

2. Aux termes de l'art. 51 al. 1 LAsi, le conjoint d'un réfugié et leurs enfants mineurs sont reconnus comme réfugiés et obtiennent l'asile, pour autant qu'aucune circonstance particulière ne s'y oppose. L'al. 3 de cette disposition précise que l'enfant né en Suisse de parents réfugiés obtient également le statut de réfugié.

Si l'avant-projet de la nouvelle LAsi prévoyait des conditions particulièrement restrictives pour les ayant droit se trouvant déjà en Suisse - le texte indiquait qu'il fallait soit le dépôt d'une demande d'asile commune avec le réfugié, soit une séparation par la fuite - ces exigences ont été abandonnées lors des débats au Conseil national, les parlementaires ayant proposé une mouture de la disposition consacrée à l'asile accordée aux familles qui soit respectueuse en tous points de l'ancienne loi et qui privilégie l'unité de la famille (cf. FF 1996 II 67-70, 157-158 - art. 48; BO-N 1997 pp. 1240-1241; et sur l'art. 51 LAsi, décision de la CRA du 21 mars 2000 en l'affaire A. et H. G., Bosnie-Herzégovine, JICRA 2000 n° 11).

3. a) Il est rappelé que la jurisprudence a exclu la transmission de la qualité de réfugié en cascade, de sorte que la personne qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié à titre dérivé (formellement) ne peut la transmettre que dans l'hypothèse où elle remplit elle-même les conditions matérielles pour la reconnaissance de cette qualité (cf. JICRA 1998 n° 9 p. 55ss et jurisprudences citées).

b) En l'espèce, D.K. a obtenu l'asile par son mariage avec un réfugié statutaire, M.K.. Par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas de procéder à un examen de la qualité de réfugié matérielle de D.K., de sorte qu'un tel examen exigerait que l'intéressée soit entendue sur ses éventuels motifs individuels d'asile et invitée à fournir tout moyen de preuve déterminant (cf. décision de principe, JICRA 1997 n° 1 p. 9ss consid. 6a). Cependant, dans la mesure où ni le dossier ni les allégués de D.K. ne contiennent le moindre indice laissant supposer qu'elle ait été personnellement exposée à des préjudices déterminants au sens de l'art. 3 LAsi, dans la mesure également où le présent litige peut être résolu d'une manière qui ne nécessite pas de mesures d'instruction complémentaires, la Commission estime, eu égard au principe de l'économie de la procédure, que la question de savoir si D.K. remplit pour elle-même les conditions mises à la reconnaissance de la qualité de réfugié peut rester indécise.


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4. Si l'enfant G.M. ne peut recevoir de sa mère le statut de réfugié qu'elle-même possède à titre dérivé, reste à déterminer s'il peut être inclus dans le statut de son "beau-père" M.K..

5. a) Ainsi que l'a souligné l'autorité de première instance, il n'existe pas de lien de parenté entre l'enfant G.M. et M.K. (ni lien de filiation légal ou naturel ni adoption). En d'autres termes, G.M. n'est, sur le plan légal, que l'enfant de D.K..

b) La loi sur l'asile, en son art. 51 al. 1, ne distingue pas entre enfant naturel, légitime, adopté ou autre. Faut-il pour autant exiger un lien de parenté légal entre l'enfant et le titulaire du statut de réfugié ?

Il ressort de l'état de fait que l'enfant G.M. et M.K. vivent ensemble, sous le même toit, et qu'ils entretiennent l'un avec l'autre une relation de type familial. Cette situation de fait peut être comparée, mutatis mutandis, au concubinage entre deux adultes. Dès 1993, la Commission a reconnu la qualité de réfugié au concubin (cf. décision de principe JICRA 1993 n° 24 p. 158ss). Le nouveau droit sur l'asile a intégré ce principe, en stipulant que les personnes qui vivent en concubinage de manière durable sont assimilées à des conjoints (art. 1 let. e OA1). Dès lors que, pour des concubins, on demande simplement que soit réalisée la condition d'une vie commune durable, il serait exagéré d'exiger d'un enfant autre chose qu'une vie commune de type familial et durable avec le réfugié.

En outre, dans son message relatif à la nouvelle loi sur l'asile, le Conseil fédéral a précisé: "La notion d'enfant mineur s'applique non seulement aux enfants mineurs communs aux deux partenaires, mais également aux enfants de chacun d'eux (par exemple ceux d'un premier lit) ainsi qu'aux enfants adoptés." (cf. FF 1996 II 68). Cela signifie, en d'autres termes, qu'il convient de prendre en compte la situation de fait vécue par les intéressés et non pas la qualification juridique des liens familiaux.

c) Au vu de ce qui précède, il faut admettre que G.M. revêt à l'égard de M.K. la qualité d'enfant mineur au sens de l'art. 51 al. 1 LAsi.

6. a) Si, comme en l'espèce, le réfugié et sa famille n'ont pas demandé l'asile en même temps, il faut encore prendre en compte la réserve des "circonstances particulières" qui pourraient s'opposer à l'octroi de l'asile à la famille. Il s'agit là d'une notion juridique indéterminée dont la ratio legis est de prévenir les 


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abus et de donner aux autorités la possibilité de refuser la protection spécifique de l'asile aux personnes qui n'en ont objectivement pas besoin. Sont visés, par exemple, le cas où un requérant, après sa fuite, passe ses vacances dans l'Etat dans lequel il prétend être persécuté, celui où il existe des motifs de révocation de l'asile ou encore la situation où la majeure partie de la famille a obtenu l'asile dans un Etat tiers et où le requérant a la possibilité de solliciter le regroupement familial dans cet Etat (cf. FF 1996 II 68-69).

b) En l'espèce, l'autorité de première instance a retenu comme circonstance particulière le fait que D.K. a reçu l'asile à titre dérivé et qu'elle ne peut pas le transmettre à son fils.

Ainsi qu'exposé au considérant 4 ci-dessus, la Commission estime que la question déterminante est celle de savoir si l'enfant G.M. peut être inclus dans le statut de son "beau-père" M.K..

c) Au vu du dossier, la Commission estime que la seule "circonstance particulière" qui pourrait en l'espèce s'opposer à l'octroi de l'asile familial à l'enfant G.M. est le fait qu'il n'y a pas eu de vie commune antérieure à la fuite entre cet enfant et M.K..

Il est patent que la condition de l'existence d'un noyau familial antérieur à la fuite n'était pas non plus remplie en ce qui concerne D.K. et son époux, leur mariage ayant eu lieu près de douze ans après l'arrivée de M.K. en Suisse (mariage célébré le 27 mars 1998), D.K. étant arrivée en Suisse le 21 août 1997.

Or D.K. a été mise au bénéfice de l'asile en raison de son mariage avec M.K., en application de l'ancien art. 3 al. 3 LAsi et conformément à la jurisprudence en cette matière. A ce sujet, il sied de rappeler en particulier la décision de principe publiée sous JICRA 1995 n° 15, qui expose que le mariage ne doit pas avoir été brisé par la fuite, comme cela aurait été le cas en matière de regroupement familial au sens de l'ancien art. 7 al. 1 LAsi et que, dès lors, même le mariage conclu après l'octroi de l'asile entraîne la reconnaissance de la qualité de réfugié au conjoint, pour autant que des circonstances particulières ne l'excluent pas (prévention de l'abus de droit; cf. JICRA citée p. 141ss).

Cette jurisprudence garde toute sa valeur sous le nouveau droit, dont il a été rappelé au considérant 2 ci-dessus que la disposition concernant l'asile octroyé 


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aux familles est, de la volonté du législateur, conforme au texte et à l'esprit de l'ancien droit.

Dès lors, si l'absence de noyau familial antérieur à la fuite n'a pas été opposée à D.K. sous l'empire de l'ancienne loi sur l'asile et ne le serait pas plus sous le nouveau droit au titre de "circonstance particulière", il n'y a aucune raison que l'on retienne ce même défaut de vie commune antérieure à charge contre l'enfant G.M..

De fait, si D.K. et son fils étaient arrivés en Suisse en même temps, ils auraient, en toute logique, reçu tous les deux l'asile conséquemment au mariage conclu entre D.K. et M.K..

d) Des explications qui précèdent, il ressort qu'aucune circonstance particulière au sens de l'art. 51 al. 1 LAsi ne peut être retenue en l'espèce.

7. La Commission rappelle par ailleurs que le but de l'asile accordé aux familles est de régler de manière uniforme le statut du noyau familial et parfois celui de membres éloignés de la famille dont l'existence dépend de ce noyau familial. C'est également dans cet esprit que l'asile est octroyé aux enfants nés en Suisse de parents réfugiés (art. 51 al. 3 LAsi, FF 1996 II 67, 69).

Quant à l'argument selon lequel l'enfant G.M. n'a pas objectivement besoin de la protection spécifique de l'asile, dès lors qu'il bénéficie et peut bénéficier à l'avenir d'une autorisation de séjour de police des étrangers (permis B), il s'inscrit manifestement en faux par rapport au principe ci-dessus rappelé.

Il sied enfin de relever que, s'agissant d'un mineur, l'autorité se doit de garder à l'esprit le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il est ancré dans le préambule de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (RO 1998 2055). La Commission estime que régler de manière uniforme le statut des membres d'une famille - au sens étroit, soit père, mère et leurs enfants - qui vivent ensemble sous un même toit constitue une solution respectueuse de ce principe.

8. Au vu de l'ensemble des explications qui précèdent, la Commission estime que, dans la mesure où l'enfant G.M. vit de manière stable et durable dans le cadre familial offert par D.K. et M.K., il doit pouvoir bénéficier du même statut que ses parents, indépendamment du moment auquel il est arrivé en Suisse et où la demande d'asile en sa faveur a été déposée. En d'autres termes, 


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l'enfant G.M. peut recevoir, à titre dérivé (formellement), le statut de réfugié dont bénéficie son "beau-père".

En conséquence, la décision entreprise doit être annulée. L'autorité de première instance est invitée à accorder l'asile à G.M..

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