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Extraits de la décision de la CRA du 21 janvier 1999, H. A. et épouse, Bosnie-Herzégovine

[English Summary]

Art. 18, al. 1 LAsi et 14a, al. 4 LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi.

Analyse de la situation en Bosnie-Herzégovine ; critères d'appréciation en matière d'exigibilité de l'exécution d'un renvoi.

Art. 18 Abs. 1 AsylG und Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges.

Würdigung der allgemeinen Lage in Bosnien-Herzegowina; Beurteilungskriterien hinsichtlich der Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges.

Art. 18 cpv. 1 LAsi e 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.

Esame della situazione in Bosnia-Erzegovina; criteri d'apprezzamento in merito all'esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.

Résumé des faits :

Le 11 décembre 1995, H. et Ha. A. ont déposé une demande d'asile par-devant les autorités vaudoises à Lausanne. Entendus au centre d'enregistement pour requérants d'asile de Genève le 22 décembre 1995, puis par-devant les autorités cantonales compétentes le 29 janvier 1996, ils ont déclaré en substance ce qui suit :

D'ethnie musulmane, ils sont nés et ont toujours vécu dans le village de X. (commune de Bratunac). Le 10 mai 1992, les soldats serbes ont investi leur village de domicile, sans rencontrer de résistance, ont expulsé les résidants de chez eux et ont mis le feu aux habitations. Les intéressés, leurs deux filles et leurs trois fils, ont été emmenés avec d'autres habitants de leur village et de villages environnants, à la gare routière de X. A cet endroit, ils ont été battus 


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par les soldats serbes et ont assisté à l'exécution sommaire de plusieurs personnes. Ils ont ensuite été conduits en bus au stade de football de la ville de Bratunac où étaient rassemblés approximativement dix mille Musulmans. Les Serbes ont procédé au tri des prisonniers en fonction de leur sexe et de leur âge. Les requérants ont alors été séparés d'abord de leurs enfants, ensuite l'un d'avec l'autre. Parce qu'ils étaient âgés, ils ont été transportés dans des bus jusqu'à Tilce, puis relâchés. De là, l'un et l'autre ont gagné Kladanj, localité sise en zone musulmane. Ils ont séjourné pendant quatre ans à Banovici et ses environs, dans des conditions particulièrement difficiles. Ils ont par la suite été rejoints par l'une de leurs filles, rescapée de Srebrenica. Avec elle, ils ont quitté le pays le 30 novembre 1995, en raison des mauvaises conditions de vie y régnant. Ils auraient rejoint la Suisse, via la Croatie et l'Italie, le 10 décembre 1995. De leurs trois fils, deux auraient vécu à Srebrenica et auraient disparu lors de la chute de la ville, en juillet 1995. Le dernier a survécu et réside actuellement en Croatie. Leur deuxième fille est réfugiée en Autriche. A part un frère et une sœur du requérant, réfugiés respectivement à Banovici et à Zivinice, ils n'auraient plus de nouvelles des autres membres de leur famille (frères et sœurs) depuis 1992.

Par décision du 2 septembre 1996, l'ODR a rejeté la demande d'asile au motif que les événements décrits par les intéressés s'inscrivaient dans un contexte de guerre civile, non pertinents en matière d'asile. L'ODR a assorti ce refus d'un renvoi de Suisse et ordonné l’exécution de cette mesure, estimant que cette dernière était licite, raisonnablement exigible et possible sur les plans technique et pratique, les intéressés ne faisant valoir aucun motif d'ordre personnel s'opposant à leur renvoi.

Dans leur recours administratif du 9 octobre 1996, les recourants ont conclu à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi de l'asile, subsidiairement au prononcé de leur admission provisoire en Suisse. […] Ils font valoir en particulier qu'un renvoi dans cet Etat serait inexigible en raison de l'état de santé de la recourante. A l'appui de leur recours, ils ont produit plusieurs certificats médicaux concernant la recourante.

Dans son préavis du 21 avril 1997, l'ODR propose le rejet du recours et la confirmation de l'exécution du renvoi. Selon cette autorité, les maux dont souffrent l'intéressée sont inhérents à son âge et ne sont pas tels qu'un séjour prolongé en Suisse s'avère nécessaire; un suivi médical dans le pays d'origine peut être assuré.


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La CRA a admis le recours en matière de renvoi.

Extraits des considérants :

7. […]

b) Il convient de noter à titre préliminaire que les trois conditions posées par l'art. 14a, al. 2 à 4 LSEE, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité ou impossibilité) sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable.

c) En l'occurrence, c'est sur la question de l'exigibilité du renvoi que l'autorité de céans doit porter son examen.

d) Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 1995 no 5, p. 47; JICRA 1994 no 18, p. 140s., no 19, p. 147s., et no 20, p. 156).

e) Le 14 décembre 1995, les parties au conflit en Bosnie-Herzégovine ont signé les Accords de paix de Dayton. Afin d'assurer la mise en œuvre du volet militaire de ces accords, cas échéant au moyen de la force, l'OTAN a constitué une force multinationale de 60'000 hommes fortement armée (Implementation Force, IFOR) qui a été remplacée, selon la résolution 1088 du 12 décembre 1996 du Conseil de sécurité des Nations Unies, par une nouvelle force multinationale de paix dont l'effectif en hommes a été réduit de moitié (Stabilisation Force, SFOR). La mission de la SFOR, dont le mandat n'est plus limité dans le temps, est de procéder à des inspections de routine dans les casernes, d'assurer le maintien de l'ordre et dorénavant la sauvegarde de la sécurité des rapatriés, de contribuer à la reconstruction du pays et de venir en appui aux institutions fédérales nouvelles (cf. Conseil de suivi des Accords de Dayton, déclaration de Madrid du 16 décembre 1998). La mise en œuvre du 


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volet militaire des accords a été couronnée de succès et le spectre d'une reprise de la guerre, qui planait jusqu'en 1997, s'est dissipé. Un climat de paix et de stabilité relatives s'est ainsi développé (Th. Hofnung, La Bosnie à l'heure du "ni guerre ni paix", in: Le Monde diplomatique, septembre 1998; Archiv der Gegenwart, du 3 janvier 1997, A 41689).

f) Sur le plan politique et civil, les élections parlementaires et présidentielles, qui se sont déroulées le 14 septembre 1996 sous l'égide de l'OSCE, ont - sur le plan fédéral ainsi que dans les deux entités (Fédération croato-musulmane et République serbe) - consacré la prééminence des partis nationalistes, avec les mêmes hommes à quelques exceptions près, qui avaient entraîné le pays dans la guerre. Les derniers scrutins organisés les 12 et 13 septembre 1998 n'ont certes guère modifié les rapports de force; ils ont toutefois, en termes de suffrages et de sièges, affaibli les partis dominants et permis d'enregistrer quelques progrès favorables au multipartisme et à la démocratie. Malheureusement, jusqu'à présent, les institutions communes, issues des élections de 1996 et de 1998, ont manqué d'efficacité. D'une part, les Croates et Musulmans ne parviennent pas suffisamment à s'entendre au sein des instances fédérales. D'autre part, les Serbes songent surtout à consolider l'entité qu'ils ont arrachée par la guerre. Or, l'instauration en Bosnie-Herzégovine d'un Etat de droit fondé sur les libertés individuelles, le respect des différences ethniques, religieuses et culturelles et une économie de marché autosuffisante, condition préalable à l'émancipation de l'aide internationale et au développement économique du pays, passe nécessairement par un renforcement des institutions communes, ainsi que par une réforme complète de la législation héritée de la guerre et de l'ancien régime socialiste yougoslave. A cet égard, de véritables progrès ont été obtenus en 1998 par la communauté internationale, notamment sous la houlette du Haut représentant de Bosnie, nommé par le Conseil de sécurité, dont les prérogatives ont été considérablement étendues à la Conférence de Bonn, en décembre 1997, et consolidées à celle de Madrid, en décembre 1998. La Commission relève en particulier l'adoption, respectivement l'entrée en vigueur d'une loi d'Etat sur la citoyenneté de Bosnie, et dans la Fédération croato-musulmane, de deux nouveaux codes pénal et de procédure pénale, d'une loi sur la reconnaissance des documents officiels, et de quatre lois régissant les questions de propriété et de logement. Cela étant, contrairement à l'obligation faite aux autorités bosniaques dans l'annexe 7 des Accords de Dayton, la libre circulation des personnes n'est encore que partielle. Le droit au retour dans leur région d'origine de personnes appartenant à l'ethnie minoritaire reste peu et mal 


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appliqué en République serbe, et insuffisamment assuré dans la Fédération croato-musulmane.

g) En effet, la politique d'épuration ethnique se poursuit encore dans un nombre non négligeable de régions. Elle est mise en œuvre par des mesures discriminatoires en matière administrative, fiscale, scolaire, ainsi que dans les domaines du droit de la propriété (privée et sociale) et d'accès à l'emploi, voire par des menaces continuelles contre la sécurité personnelle des rapatriés et de leurs biens. Sur le plan de la sécurité, les organes locaux de police ne sont pas toujours capables ou désireux d'étendre leur protection aux membres de groupes ethniques minoritaires; ceux-ci sont susceptibles d'essuyer des tirs d'armes à feu ou d'être victimes d'une évacuation forcée, de voies de fait, d'incendies criminels, d'attentats à l'explosif ou encore de meurtres (HCR, Exposé de la position du HCR en ce qui concerne les personnes originaires de Bosnie-Herzégovine qui continuent d'avoir besoin d'une protection internationale, 26 juin 1998, ch. 2.17 à 2.21).

h) L'immense majorité des personnes qui ont pu réintégrer la Bosnie, soit volontairement soit de manière forcée, en provenance des pays d'accueil où elles avaient trouvé refuge pendant la guerre, s'est ainsi réinstallée dans des régions passées sous le contrôle de leur groupe ethnique, soit dans une zone majoritaire. Ces personnes sont venues grossir les rangs des personnes déplacées à l'intérieur du pays, accentuant par là-même les problèmes inhérents à la reconstruction du pays. Certes, la Bosnie se relève peu à peu des dommages infligés par la guerre civile: entre 1995 et 1997, le produit intérieur brut a presque doublé, le taux de chômage est descendu en moyenne nationale de 90% à 50%, et le salaire net moyen a passé de 43 DM à 266 DM dans la Fédération croato-musulmane (NZZ 29 décembre 1998; Etats-Unis d'Amérique, Département d'Etat, Bosnia and Herzegovina Country Report on Human Rights Pratices for 1997, Washington, 30 janvier 1998, p. 2). Toutefois, la gravité de la situation économique de même que la profonde pénurie de logements (60% de logements détruits durant les affrontements) constituent encore, abstraction faite des critères ethniques, autant d'autres raisons incitant les autorités locales, cantonales ou communales, incapables de faire face aux demandes de relogement, à dresser des obstacles administratifs contre l'installation, ou la réinstallation à leur lieu d'origine, des personnes déplacées pendant la guerre (HCR, Bosnie-Herzégovine, Opération de rapatriement et de retour 1998, Genève, décembre 1997, p. 38 et 39).


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i) Dans les deux entités bosniaques, les rapatriés doivent être enregistrés par les autorités locales pour rétablir leur résidence ou l'y fixer s'ils ne sont pas originaires de la municipalité. De cet enregistrement dépend l'octroi de cartes d'identité ainsi que des documents essentiels permettant d'accéder à l'aide sociale en cas d'indigence, au système de santé, à la formation, voire à un emploi rémunéré (Institut d'ethnologie de l'Université de Berne, Evaluation des Rückkehrhilfe- und Wiedereingliederungsprogrammes für bosnische Staatsangehörige, Berne janvier 1998, p. 63 et 64; HCR, Bosnie-Herzégovine, Opération de rapatriement et de retour 1998, Genève décembre 1997, p. 38). L'immatriculation est soumise quant à elle à diverses conditions, rendant difficile voire illusoire une réelle chance de réintégration, telles que le versement d'impôts de guerre "volontaires", dont les montants peuvent être élevés suivant la date et les circonstances du départ du pays, la preuve que l'intéressé est bien originaire de la commune qu'il veut réintégrer, ou, à tout le moins, la preuve qu'il y dispose d'un endroit où résider. Il convient, à cet égard, de relever que dans la défense de ses droits, il existe, pour le rapatrié, des possibilités, non négligeables, de saisine des institutions judiciaires nationales et de celles issues directement des Accords de Dayton (not. Commission des droits de l'homme, formée d'une Chambre des droits de l'homme et du Médiateur, cf. annexe 6 desdits accords) pour obtenir une protection contre des violations des droits de l'homme, ou encore une réparation adéquate. Est un facteur décisif, permettant d'envisager un retour dans des conditions acceptables, surtout la présence sur place d'un réseau social bénéficiant de véritables logements. Par réseau social, il faut entendre un système dans lequel les individus sont liés, soit juridiquement, soit moralement, par un devoir d'assistance réciproque, notamment en raison d'une solidarité économique antérieurement vécue: ce sera en règle générale le cas de la famille au sens étroit (parents en ligne directe au premier et second degrés) comme de la famille au sens large, ou encore de toute personne dont on peut raisonnablement penser qu'elle aurait un devoir d'assistance à l'égard d'un rapatrié (cf. Institut d'ethnologie de l'Université de Berne, op. cit., p. 32 et 64ss).

j) En mars 1997, le HCR, avec l'appui financier des Etats-Unis, puis de pays européens, a mis en place l'initiative dites des "villes ouvertes" ("open cities"). Ce projet cherche, par des programmes de reconstruction et d'assistance structurelle ciblés, à encourager les municipalités qui s'y déclarent favorables et s'engagent concrètement et systématiquement à soutenir, indépendamment de considérations d'ordre ethnique, le retour de tous leurs résidents d'avant-guerre et leur pleine réintégration dans la communauté (comportant en 


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particulier l'égalité des droits en matière d'accès à l'emploi, à l'éducation, aux charges publiques et à la protection de la police, la liberté de mouvement et le respect des droits de l'homme; cf. HCR, Bosnie-Herzégovine, Opération de rapatriement et de retour 1998, op. cit., p. 17 et ss.). A fin juillet 1998, le HCR avait officiellement accordé l'agrément à quatorze villes ouvertes, dont dix sises dans la Fédération croato-musulmane (Bihac, Busovaca, Gorazde, Ilidza, Kakanj, Konjic, Tuzla, Vogosca [1], Zavidoci et Zenica), et quatre en République serbe (Laktasi, Mrkonjic Grad, Sipovo, et Srbac), et tenait en réserve plusieurs dizaines d'autres municipalités, dont les villes de Banja Luka, de Brcko, de Mostar et de Sarajevo. Une personne originaire d'une "ville ouverte", devrait ainsi disposer de bonnes chances de réintégration en cas de retour en Bosnie; toutefois, même dans une "ville ouverte" au statut reconnu, la sécurité des minoritaires n'est, à l'heure actuelle, pas encore assurée à satisfaction (cf. HCR, Exposé de la position du HCR, 26 juin 1998, op. cit., ch. 2.1).

k) Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que la situation en Bosnie-Herzégovine est encore caractérisée par un décalage sérieux entre d'une part le contenu et d'autre part l'application concrète, sur place, du volet politique et civil des Accords de Dayton. La sécurité des personnes et des biens, en particulier celle des membres d'ethnies minoritaires, n'est pas garantie à satisfaction, ni d'une manière générale dans l'entité serbe, ni non plus, selon les localités, dans la Fédération croato-musulmane. La partition du pays, entérinée par les Accords de Dayton, implique non seulement un découpage ethnico-territorial; elle suppose encore une appartenance politique - raison d'être des partis au pouvoir - dépendant de l'origine nationale. La contradiction fondamentale des Accords de Dayton (restauration de la multi-ethnicité dans le cadre de deux entités fondées sur des bases ethniques) pèse de plus en plus lourd dans l'évolution qui a suivi leur conclusion: tant que les responsables arrivés au pouvoir à la faveur de l'éclatement de la Yougoslavie resteront aux commandes en Bosnie, dans des territoires ethniquement homogènes à plus de 80% du pays (contre 5% avant la guerre), l'aspiration à une Bosnie multiethnique et multiculturelle demeurera encore une illusion.

l) Ainsi, la Commission estime que la question de l'exigibilité de l'exécution du renvoi de ressortissants bosniaques doit faire l'objet d'un examen individualisé, étant précisé d'emblée que, hormis des circonstances 


[1]  N.d.l.r. : En date du 13 octobre1998 Vogosca a perdu son statut de "ville ouverte"; Travnik est au bénéfice de ce statut, depuis le 14 octobre 1998.


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particulières, leur renvoi dans une zone où ils seraient ethniquement minoritaires n'est, pour l'heure, pas raisonnablement exigible. Dans l'examen des cas d'espèce, la Commission prend en considération des critères tels que l'ethnie, l'absence ou non de facteurs aggravants (personnes d'origine ethnique mixte ou couples mixtes, déserteurs et réfractaires de l'armée de la République serbe, membres minoritaires des forces armées, etc.), la localité, voire le canton de provenance, le statut de "ville ouverte" en négociation ou reconnu, la présence ou non d'un réseau familial ou social (présupposant des liens de solidarité antérieurs, cf. lettre i), la possession en zone majoritaire d'immeubles plus ou moins habitables, l'âge, l'état de santé, le sexe et l'état civil de l'intéressé, sa formation scolaire et son expérience professionnelle, l'absence ou non de charges de famille, ainsi que, cas échéant, la date et les circonstances du départ de son pays.

m) En l'espèce, la Commission constate que les recourants, d'ethnie musulmane, sont originaires du village de X., sis dans la commune de Bratunac, où ils étaient domiciliés avant leur exode en zone musulmane, en mai 1992. Il est notoire que cette commune est aujourd'hui en République serbe de Bosnie. Il ne ressort pas du dossier que les intéressés y disposeraient encore d'un point de chute, condition nécessaire, mais non suffisante pour une réinstallation en sécurité dans cette entité. En outre, s'agissant d'un retour dans la Fédération croato-musulmane, la Commission observe que s'ils ont certes vécu pendant quatre ans dans la localité de Banovici, c'est de manière précaire, en qualité de personnes déplacées. Ils n'y bénéficieraient aujourd'hui ni du statut d'indigène (donnant lieu à un enregistrement sans difficultés administratives) ni de la présence de membres de la famille suffisamment proches et susceptibles de les prendre matériellement en charge et d'intervenir efficacement auprès des autorités municipales; en effet, il sied de rappeler ici que les seuls proches dont les recourants ont gardé la trace et qui pourraient les prendre en charge, sont actuellement domiciliés à l'étranger (Croatie, Autriche et Suisse); les recourants seraient ainsi d'autant plus exposés à un refus d'enregistrement, avec les fâcheux inconvénients qui s'ensuivraient, notamment en matière d'assistance sociale (cf. lettre i ci-dessus). A cela s'ajoute le facteur aggravant lié à leur âge (soixante-sept ans chacun), qui constitue un obstacle dirimant à l'acquisition d'un emploi rémunéré. De plus, vu d'une part les difficultés financières des fonds de pension (engendrées par les fortes baisses du nombre et des revenus des employés cotisants et le développement de l'économie informelle) et leur politique de suppressions arbitraires de versement aux personnes ayant temporairement quitté le pays, et vu d'autre part les déclarations des recourants, la Commission estime que 


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ceux-ci ne disposent pas de garanties suffisantes que le versement régulier de la pension reçue jusqu'en 1992 soit reconduit (au demeurant d'un montant si restreint qu'ils étaient contraints, à l'époque, de le compléter par les revenus d'activités agricoles). Enfin, l'état de santé de la recourante est déficient, les certificats médicaux produits faisant état de diverses pathologies et maladies chroniques entraînant des traitements ambulatoires et des contrôles fréquents (cf. état de faits, lettre D). Certes, ces traitements seraient, a priori, disponibles en Bosnie-Herzégovine, mais avec des risques de rupture d'approvisionnement en médicaments; en outre, en l'absence de carte municipale d'enregistrement, ces médicaments ne seraient délivrés que contre paiement. Tout bien pesé, au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, la Commission arrive à la conclusion que les intéressés ne bénéficient pas de chances suffisantes de se constituer un domicile fixe et de disposer de moyens vitaux minimaux en cas de retour dans leur pays d'origine. Partant, l'exécution de leur renvoi ne s'avère actuellement pas raisonnablement exigible, au sens de l'art. 14a, al. 4 LSEE.

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