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Extraits de la décision de la CRA du 2 septembre 2004, M. A., Mauritanie et Mali

Art. 42 al. 2 LAsi : renvoi préventif dans un pays tiers ; exception à la règle du séjour durable.

Il peut être dérogé à la règle du séjour durable dans l’Etat tiers, lorsqu’une violation du principe de non-refoulement peut être exclue par ce pays parce qu’il est manifeste que les conditions pour la reconnaissance de la qualité de réfugié font défaut (v. JICRA 1998 n° 24 consid. 5 d cc) (consid. 3.2.).

Art. 42 Abs. 2 AsylG: Vorsorgliche Wegweisung in einen Drittstaat; Ausnahme vom Erfordernis der Möglichkeit des mehr als nur vorübergehenden Verbleibs im Drittstaat.

Vom Erfordernis, dass sich eine asylsuchende Person für die Dauer des in der Schweiz angehobenen Asylverfahrens legal in einem Drittstaat aufhalten kann („séjour durable“), kann abgewichen werden. Dies, wenn eine Verletzung des Non-Refoulement-Prinzips durch den Drittstaat ausgeschlossen werden kann, weil es offensichtlich an den Voraussetzungen zur Erfüllung der Flüchtlingseigenschaft fehlt (vgl. EMARK 1998 Nr. 24, Erw. 5 d cc) (Erw. 3.2.).

Art. 42 cpv. 2 LAsi: allontanamento preventivo in un Paese terzo; eccezione al presupposto del soggiorno durevole.

Può essere derogato al presupposto del soggiorno durevole in un Paese terzo, allorquando può essere esclusa una violazione del divieto di respingimento da parte di detto Paese poiché è manifesta l’inesistenza di motivi propri a fondare la qualità di rifugiato (v. GICRA 1998 n. 24 consid. 5d cc) (consid. 3.2.).

Résumé des faits :

M. A. déclarant être né en Mauritanie et avoir la double nationalité mauritanienne et malienne a déposé une demande d'asile en Suisse, le 9 août 2004. Au


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début juin 2004, il aurait quitté la Mauritanie et se serait rendu en France où il aurait séjourné environ un mois. Il serait entré clandestinement en Suisse, le 7 août 2004. Ses motifs d’asile sont exclusivement de nature économique.

Le 16 août 2004, les autorités françaises ont accepté de réadmettre le requérant sur leur territoire.

Le 23 août 2004, l'ODR a prononcé le renvoi préventif du requérant en France. Il a considéré que les conditions de l'art. 42 al. 2 LAsi étaient remplies, dès lors que l'intéressé avait séjourné en France, qu'il avait la possibilité d'y retourner et que ce pays a souscrit aux engagements découlant de la Convention sur le statut des réfugiés et de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

L’intéressé a interjeté recours contre cette décision, le 24 août 2004. Il a fait valoir que son renvoi préventif en France n'était pas raisonnablement exigible, dans la mesure où il n'avait fait que transiter par ce pays, son intention ayant été de se rendre directement en Suisse. II a affirmé n'avoir pas demandé de visa de transit, n'avoir pas pris contact avec les autorités françaises, n’avoir pas déposé de demande d'asile en France, n'y avoir pas de famille et ne s'y être jamais rendu auparavant.

La CRA a rejeté le recours.

Extraits des considérants :

2. Aux termes de l'art. 42 al. 2 LAsi, l'ODR peut renvoyer préventivement un requérant d'asile si la poursuite de son voyage dans un Etat tiers est possible et licite et qu'elle peut raisonnablement être exigée de lui, notamment si cet Etat est compétent pour traiter sa demande d'asile en vertu d'une convention (let. a), si le requérant y a séjourné un certain temps auparavant (let. b), ou si de proches parents ou d'autres personnes avec lesquelles il a des liens étroits y vivent (let. c).

3.

3.1. En l'occurrence, l'exécution du renvoi préventif en France est possible au sens de la disposition précitée et de l'art. 14a al. 2 LSEE. En effet, il ressort du dossier que les autorités françaises ont accepté de reprendre le recourant sur leur territoire, en application de l'accord de réadmission conclu entre ce pays et la Suisse.

3.2. Au dossier figure une fiche de la police française, datée du 5 août 2004, invitant le recourant à quitter le territoire français jusqu'au 7 août 2004. Cette in-


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vitation ferait suite à une décision prise par la préfecture du Doubs le 5 août également. La question se pose dès lors de savoir si le renvoi du recourant vers cet Etat tiers est licite.

Selon la jurisprudence de la Commission (décision de principe du 2 septembre 1998 publiée sous JICRA 1998 n° 24 p. 203ss), la licéité du renvoi préventif dans un pays tiers suppose en règle générale que l'intéressé puisse y demeurer au-delà d'un séjour passager, autrement dit qu'il dispose d'une garantie solide de pouvoir y résider de manière légale pour la durée prévisible de la procédure d'asile entamée en Suisse. Force est de constater, en l'espèce, qu'une telle assurance n'existe pas, les autorités françaises ayant déjà signifié au recourant qu'il ne pouvait pas séjourner en France.

La jurisprudence citée ci-dessus prévoit toutefois des exceptions à la règle de la nécessité d'un séjour durable dans un Etat tiers. Ainsi, il peut notamment être dérogé à cette règle, lorsqu'une violation du principe de non-refoulement peut être exclue parce qu'il est manifeste que les conditions pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 LAsi font défaut (JICRA 1998 n° 24 consid. 5d cc p. 220). Tel est le cas en l'espèce. En effet, le recourant a déclaré être de nationalités malienne et mauritanienne et n'avoir rencontré de problème ni au Mali, ni en Mauritanie. II a précisé que ses motifs d'asile étaient uniquement liés à la recherche d'un emploi (ibidem). Dans la mesure où il n'allègue pas être exposé, dans son pays d'origine ou dans le pays de sa dernière résidence, à de sérieux préjudices ou craindre à juste titre de l'être en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques, il ne répond à l'évidence pas à la définition de la notion de réfugié de l'art. 3 LAsi.

Pour ces motifs, et parce que la France offre toutes les garanties de sécurité d'un Etat de droit fondé sur le respect des principes démocratiques et des droits humains (le recourant a d'ailleurs relevé n'avoir aucune crainte à y retourner), le renvoi préventif de M. A. dans ce pays est conforme aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 14a al. 3 LSEE), en particulier au principe de non-refoulement et à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH et 3 Conv. torture). II est dès lors licite.

3.3. II reste à examiner si le renvoi préventif du recourant en France est raisonnablement exigible. Tel sera notamment le cas si l'on doit admettre qu'il y a séjourné un certain temps avant de venir en Suisse au sens de l'art. 42 al. 2 let. b LAsi.


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L'expression « un certain temps » signifie, en règle générale, 20 jours, comme en cas d'admission dans un Etat tiers conformément aux art. 52 al. 1 let. a LAsi et 40 OA 1 (décision de principe du 29 décembre 1999 publiée sous JICRA 2000 n° 1 consid. 14 p. 9ss). Toutefois cette période est réduite lorsque le requérant d'asile a cherché à se protéger contre la persécution dans un Etat tiers ou qu'il aurait, étant donné les circonstances, pu être raisonnablement exigible de lui qu'il le fasse (art. 40 let. a OA 1). Elle est prolongée lorsque le requérant d'asile rend vraisemblable qu'en raison de circonstances particulières, il a dû séjourner plus longtemps dans un Etat tiers (art. 40 let. b OA 1). Ces dérogations à la règle des 20 jours sont applicables par analogie aux cas de renvois préventifs de l'art. 42 al. 2 LAsi (JICRA 2000 n° 1 consid. 15a p. 11s. et jurispr. citée).

Dans son recours, M. A. soutient qu'il n'a fait que transiter par la France et qu'il n'y a pas séjourné plus d'un jour avant de chercher, sans succès, à pénétrer en Suisse ; après son refoulement par les gardes-frontière suisses, il n'y aurait vécu que quelques jours (moins d'une semaine) avant son retour en Suisse. Cette version contredit celle donnée au centre d'enregistrement. En effet, à cette occasion, le recourant a affirmé à deux reprises avoir séjourné en France entre trois semaines et un mois. En présence de propos aussi clairs tenus en audition, il y a lieu d'admettre que le recourant a séjourné plus de 20 jours en France. La question se pose encore de savoir si le recourant peut être mis au bénéfice de l'exception à la règle des 20 jours, prévue à l'art. 40 let. b OA 1. Au vu du dossier, force est de constater que M. A. n'a pas rendu vraisemblable, au sens de cette disposition, qu'en raison de circonstances particulières, par exemple pour préparer son voyage en Suisse (JICRA 1999 n° 22 p. 138ss), il a dû séjourner plus longtemps que 20 jours en France. II ne saurait dès lors valablement prétendre que le renvoi préventif dans cet Etat tiers est inexigible malgré son séjour d'environ trois semaines à un mois dans ce pays.

En conclusion, le recourant ayant séjourné un certain temps dans un Etat tiers au sens de l’art. 42 al. 2 let. b LAsi, son renvoi préventif en France doit être considéré comme exigible.

3.4. Les conditions d'un renvoi préventif étant réalisées, et aucun élément du dossier ne permettant de mettre en cause l'exécution immédiate de ce renvoi, la décision du 23 août 2004, prise en application de l'art. 42 al. 2 et 3 LAsi, doit être confirmée.

 

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