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Extraits de la décision de la CRA du 31 mars 2004, M. D., Guinée

Décision de principe : [1]

Art. 44 al. 1 LAsi ; art. 55 CP : renvoi et expulsion judiciaire ferme.

Lorsqu'un demandeur d'asile définitivement débouté est sous le coup d'une expulsion judiciaire ferme, les autorités d'asile n'ont plus compétence pour décider de son renvoi de Suisse (confirmation de jurisprudence : JICRA 1996 n° 35).

Grundsatzentscheid: [2]

Art. 44 Abs. 1 AsylG; Art. 55 StGB: Wegweisung und unbedingte Landesverweisung.

Ist gegen eine ausländische Person mit rechtskräftig abgeschlossenem Asylverfahren eine unbedingte strafrechtliche Landesverweisung ausgesprochen worden, so ist es nicht mehr in der Kompetenz der Asylbehörden, über die Wegweisung aus der Schweiz und deren Vollzug zu befinden (Bestätigung der Rechtsprechung: EMARK 1996 Nr. 35).

Decisione di principio: [3]

Art. 44 cpv. 1 LAsi; art. 55 CP: allontanamento ed espulsione giudiziaria incondizionata.

Allorquando un richiedente l'asilo respinto è oggetto di una decisione d'espulsione giudiziaria incondizionata, le autorità in materia d'asilo non sono più competenti per quanto attiene all'allontanamento dalla Svizzera (conferma della giurisprudenza: GICRA 1996 n. 35).


[1]  Décision sur une question de principe selon l'art. 104 al. 3 LAsi en relation avec l'art. 10 al. 2 let. a et l'art. 11 al. 2 let. a et b OCRA.

[2]  Entscheid über eine Grundsatzfrage gemäss Art. 104 Abs. 3 AsylG i.V.m. Art. 10 Abs. 2 Bst. a und Art. 11 Abs. 2 Bst. a und b VOARK.

[3]  Decisione su questione di principio conformemente all'art. 104 cpv. 3 LAsi in relazione con l'art. 10 cpv. 2 lett. a e l'art. 11 cpv. 2 lett. a e b OCRA.


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Résumé des faits :

La demande d'asile déposée par le requérant, le 7 décembre 1998, a été rejetée par l'ODR le 8 mars 1999, vu l'invraisemblance des motifs invoqués. Le 19 avril 2001, l'intéressé a été condamné par le Tribunal correctionnel de l'est vaudois à 18 mois d'emprisonnement (peine qui a été purgée) et à cinq ans d'expulsion ferme du territoire suisse, pour violation grave de la loi fédérale sur les stupéfiants. Le requérant a ensuite disparu de son domicile.

La Commission a déclaré le recours sans objet, tant sur la question de l'asile que sur celle du renvoi et de son exécution.

Extraits des considérants :

2. a) D'entrée de cause, la Commission se doit de constater que l'intéressé a disparu depuis un long laps de temps. En ce qui concerne l'octroi de l'asile, il a donc perdu tout intérêt à la procédure ; sur ce point, le recours sera considéré comme devenu sans objet (cf. JICRA 1997 n° 18 p. 148 ss).

3. Cela dit, cette situation ne fera pas obstacle, en l'occurrence, à ce que la Commission statue au sujet du renvoi et de son exécution. En effet, la Commission estime qu'il y a, en l'espèce, un intérêt à trancher une question juridique qui peut à nouveau se présenter dans l'examen de cas futurs (cf. ATF 111 Ib 56, consid. 2, p. 58s. cité in JICRA 1997 n° 19 consid. 2b p. 158). Cette question consiste à déterminer, en particulier, si un demandeur d'asile débouté, sous le coup d'une expulsion judiciaire ferme (art. 55 CP), peut encore faire l'objet d'une décision de renvoi de la part des autorités d'asile, cette question demeurant d'actualité en dépit de l'abrogation de l'art. 55 CP approuvée entre-temps par l'Assemblée fédérale, mais dont la date d'entrée en vigueur n'a pas encore été fixée.

4. a) Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, l'Office fédéral des réfugiés prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 al. 1 LAsi).

Le prononcé du renvoi fait généralement suite au constat que l'étranger (in casu le demandeur d'asile débouté) ne dispose d'aucun droit de séjourner en Suisse ; dans un tel cas, il est tenu de quitter la Suisse (cf. art. 12 al. 1 LSEE et Message APA, FF 1990 II p. 560).


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b) En l'espèce, le recourant a été condamné, au cours de la procédure de recours, à l'expulsion judiciaire ferme du territoire helvétique.

Dans sa décision publiée sous JICRA 1996 n° 35, la Commission a jugé qu'en cas d'expulsion ferme d'un demandeur d'asile prononcée par le juge pénal en application de l'art. 55 CP – en effet, le demandeur peut y être soumis au même titre que tout autre étranger, quel que soit son statut -, l'ODR n'est pas compétent pour prononcer son renvoi au motif que le départ de Suisse de l'intéressé ayant été ordonné par une autre autorité, en application d'une loi spéciale, il n'y a plus de place pour une décision de renvoi prise en application des normes générales de la LSEE et de l'art. 17 al. 1 LAsi (actuellement l’art. 44 al. 1 LAsi).

La Commission a appuyé sa position sur la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF) publiée sous ATF 116 IV 105. Dans cet arrêt, le TF avait alors précisé qu'en cas d'expulsion judiciaire, il incombait au juge pénal, au moment où il se prononçait, de tenir compte des limites à l'expulsion d'une personne relevant de l'asile que représentaient l'art. 44 aLAsi (aujourd'hui l’art. 65 LAsi) et l'art. 32 Conv. ; en revanche, ce n'était qu'au moment de l'exécution de cette expulsion que les empêchements résultant des conventions internationales auxquelles la Suisse avait adhéré (principalement l'art. 33 Conv., repris à l'art. 5 LAsi, et l'art. 3 CEDH concrétisant le principe de non-refoulement) devaient être pris en considération par les autorités cantonales d'application des peines et mesures, cela dans le cadre d'une procédure administrative spécifique. Cette jurisprudence a ensuite été confirmée (cf. ATF 121 IV 345).

c) Dans sa prise de position du 8 mai 2002, l'ODR a remis en cause la position de la Commission, en se basant sur plusieurs arguments dont le détail sera repris plus bas. Dès l'abord, il faut cependant constater que l'avis de l'autorité de première instance pèche par une conception incorrecte de la nature du renvoi, telle qu'elle ressort du système de la LSEE.

En effet, dans le système juridique suisse, le renvoi est uniquement la conséquence découlant du fait que la personne intéressée n'a pas de titre à séjourner en Suisse (cf. art. 12 al. 1 LSEE) ; il s'agit là de la résultante automatique de l'absence d'un tel titre, pur fait que l'autorité d'asile ne peut modifier et sur lequel elle n'a pas de liberté d'appréciation.

Toute personne dépourvue de titre de séjour a donc l'obligation de quitter la Suisse ; cette obligation se concrétise par le renvoi. Ce dernier ne vise donc pas une finalité particulière, contrairement à ce que l'ODR prétend dans sa prise de position ; il s'agit d'un devoir découlant de la loi elle-même (cf. à cet égard Nicolas Wisard, Les renvois et leur exécution en droit des étrangers et en droit


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d'asile, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1997, p. 88-90 et 100-104). On pourrait donc soutenir qu'il n'y a pas, à proprement parler, de décisions de renvoi : l'ordre de l'autorité qui prescrit de procéder à l'exécution du renvoi ne change rien à la situation de droit, déjà déterminée par le constat de la simple absence de titre à séjourner en Suisse (cf. à ce sujet Minh Son Nguyen, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 592-593, 607-608 et 613-614).

Cette conception du renvoi implique donc logiquement que ce pur constat qu'est le renvoi ne peut occuper, dans le règlement du départ d'une personne appelée à quitter la Suisse, qu'une position subsidiaire. En effet, l'obligation de quitter la Suisse peut également découler d'une décision formatrice de l'autorité appelée à statuer, qui prend alors une mesure d'espèce modifiant concrètement la situation juridique, au sens de l'art. 5 al. 1 PA. Tel est notamment le cas lorsque l'expulsion judiciaire ferme a été prononcée, qu'il y a décision d'extradition ou lorsque l'autorisation de séjour jusqu'alors en vigueur est annulée ; dans des situations de ce type, il n'y a pas simplement constat de l'absence d'un titre de séjour. Ce n'est que si l'obligation de quitter la Suisse ne ressortit pas à un de ces cas particuliers qu'il y a lieu de prononcer formellement le renvoi.

Cette position du renvoi, par essence subsidiaire, ressort également de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la police des étrangers, compétente pour le prononcer, ne peut remettre en cause une expulsion judiciaire entrée en force et accorder à la personne intéressée le droit de séjourner en Suisse (ATF 124 II 289). La même règle s'applique logiquement à l'autorité d'asile, liée par l'expulsion judiciaire ferme (mais non l'expulsion assortie du sursis, 2001 n° 17 consid. 6 p. 133), ce qui rend le prononcé du renvoi (ou d'une mesure de remplacement) inutile.

C'est donc à tort que l'ODR compare, dans sa prise de position, le régime de l'expulsion judiciaire et celui de l'expulsion administrative, réglementation spéciale du départ (art. 10 LSEE) au sens vu ci-dessus. En effet, l'expulsion administrative, qui revêt le caractère d'une sanction, est applicable aux personnes nanties d'un titre de séjour (cf. Minh Son Nguyen, op. cit., p. 594-596) ; elle répond à des buts particuliers, différents de ceux que vise la sanction pénale qu'est l'expulsion judiciaire, même si elle peut coexister avec elle. L'expulsion administrative n'a cependant rien de commun avec l'obligation de quitter la Suisse que concrétise le renvoi, si bien que les considérations et déductions que tire l'ODR des caractéristiques de cette institution spécifique sont sans pertinence ici.


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d) L'ODR invoque, à l'appui de son opinion selon laquelle il y a place pour un renvoi même en cas d'expulsion judiciaire, la teneur de l'art. 32 OA 1 et l'historique de l'élaboration de cette disposition.

Il est certes avéré que la version originale de l'art. 32 OA 1 excluait le prononcé du renvoi en cas d'expulsion judiciaire (outre les autres cas retenus, à savoir l'existence d'une autorisation de séjour ou d'établissement, l'extradition et l'expulsion par décision du Conseil fédéral), et que cette exception a été ensuite biffée de la version définitive, à la demande de plusieurs cantons.

Toutefois, il y a lieu de ne pas perdre de vue les limites que le principe constitutionnel de légalité met à la portée des ordonnances prises par l'exécutif, qui tendent à l'application des actes législatifs. Comme la Commission l'a déjà rappelé (cf. JICRA 2000 n° 1 consid. 13 p. 8-9 et les références citées), une ordonnance d'application ne peut que préciser la norme législative sur laquelle elle s'appuie et en régler la procédure de mise en oeuvre, mais ne peut en augmenter ou en diminuer la portée à tel point que son sens en serait modifié. Or, en l'espèce, l'art. 32 OA 1 repose sur l'art. 44 al. 1 LAsi ; cette dernière disposition est identique en tous points à l'art. 17 al. 1 aLAsi sous l'empire duquel la Commission avait rendu sa décision publiée sous JICRA 1996 n° 35 (elle-même appuyée sur l'arrêt du TF publié sous ATF 116 IV 105), que l'ODR remet en cause aujourd'hui. Dès lors, il n'y a pas de raison d'admettre que l'ordonnance d'application ait pu valablement modifier la situation de droit telle qu'elle existait à l'époque, et existe encore.

e) L'ODR adresse encore à la Commission des objections non plus d'ordre juridique, mais pratique ; il sera démontré ci-dessous qu'elles ne peuvent emporter la conviction et qu'elles ne remettent pas en cause la jurisprudence appliquée jusqu'ici.

aa) Ainsi, selon l'autorité de première instance, en l'absence de prononcé du renvoi, un problème peut surgir pour le cas où l'expulsion pénale serait, le cas échéant après exécution de la peine, suspendue ou définitivement levée (art. 55 al. 2 et 3 CP) ; dans un tel cas, argumente l'ODR, l'intéressé pourrait indûment prolonger son séjour en Suisse, quand bien même son éloignement serait souhaitable. Il en irait de même si l'expulsion judiciaire ou la décision qui en ordonne l'exécution faisaient l'objet d'une procédure de recours, peut-être jusqu'au Tribunal fédéral.

Ces hypothèses méconnaissent que la jurisprudence publiée sous JICRA 1996 n° 35 n'a vocation à s'appliquer, comme on l'a déjà vu, qu'en présence d'une expulsion judiciaire ferme entrée en force et exécutable. Tant qu'il est détenu,


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l'étranger n'a en effet pas besoin d'un titre de séjour, dans la mesure où son statut de prisonnier en exécution de peine implique obligatoirement son séjour en Suisse. A sa libération, en revanche, si la peine accessoire de l'expulsion ne s'applique plus, il se retrouvera alors dans la situation ordinaire d'un étranger sans titre de séjour, dont l'autorité cantonale pourra ordonner l'exécution du renvoi. De même, le fait que l'expulsion ou ses modalités fassent l'objet d'un recours n'empêchera en rien à ce qu'il soit procédé à l'exécution du renvoi ; l'intéressé poursuivra alors la procédure depuis sa résidence à l'étranger.

Le même raisonnement s'applique après expiration de la durée de l'expulsion judiciaire ; si la personne intéressée revient en Suisse, rien ne s'opposera, en l'absence de titre de séjour, à son renvoi.

bb) L'ODR fait enfin valoir que l'autorité cantonale ne sera pas à même d'apprécier le caractère exécutable du renvoi et éprouvera des difficultés à procéder à cet examen, pour lequel elle devra de toute façon requérir l'avis de l'ODR. La jurisprudence du TF (ATF 116 IV 105 consid. 4i p. 116s.) évoque en effet cette possibilité ; elle retient cependant que l'autorité cantonale d'exécution des peines est parfaitement en mesure d'apprécier la compatibilité de l'exécution du renvoi avec les dispositions de droit international liant la Suisse (cf. dans le même sens ATF 124 II 289 consid. 4 p. 292). Dans la mesure où cette autorité (ou celle de police des étrangers) constaterait que le renvoi ne peut avoir lieu, elle pourrait toujours proposer l'admission provisoire de l'intéressé, que l'ODR serait alors appelé à approuver (art. 14 b al. 1 LSEE).

L'essentiel n'est cependant pas là : tant le raisonnement juridique que la simple logique montrent en effet qu'il n'y a pas de sens pour l'autorité d'asile à prononcer le renvoi et à examiner les modalités de son exécution si cette exécution ne doit intervenir que beaucoup plus tard, après accomplissement de la peine ; c'est en effet un principe souvent confirmé par la jurisprudence que les conditions du renvoi s'apprécient au moment où il doit s'exécuter. Dans la mesure où elle tiendrait malgré tout à conserver sa compétence, l'autorité d'asile serait alors logiquement menée à suspendre l'examen de la demande d'asile jusqu'à l'accomplissement de la peine, ce qui ne serait pas non plus satisfaisant. Dès lors, force est d'admettre que l'autorité cantonale compétente est plus à même de procéder à cet examen, dans la perspective d'une proche exécution de l'expulsion pénale.

Raisonner autrement ferait d'ailleurs surgir un risque certain de confusion, dans la mesure où l'autorité d'asile et l'autorité pénale pourraient adopter des positions contradictoires. Ainsi, l'autorité d'asile, en cas de demande de réexamen du caractère exécutable du renvoi, pourrait suspendre celui-ci, bien que l'expulsion judiciaire ait été prononcée.


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f) En conclusion, il n'apparaît donc aucune raison de modifier la jurisprudence de la Commission en matière d'expulsion judiciaire ; elle doit donc être maintenue, si bien que le prononcé du renvoi n'a pas lieu d'être.

 

 

 

 

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