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La jurisprudence de la Commission a eu plusieurs fois l'occasion de préciser la portée
de cette disposition. Par "raisons impérieuses", il faut entendre que les
persécutions constituaient pour les réfugiés des événements traumatisants à long
terme (cf. JICRA 1995 no 16, consid. 6d, p. 166), qu'ils aient été soumis à la torture
ou à d'autres traitements inhumains ou dégradants, ou, dans les cas graves, qu'ils
n'aient pas subi de tels sévices mais éprouvent une difficulté sérieuse à se
reconditionner psychologiquement en raison de la gravité des traumatismes subis par leurs
proches et des effets à long terme de ces derniers (cf. JICRA 1996 no 10, p. 74 ss). De
telles atteintes se traduisent en général par ce que la science médicale appelle un
"état de stress post-traumatique", désordre psychologique marquant
profondément la personnalité et susceptible de s'étendre sur plusieurs années (cf.
pour une définition plus complète JICRA 1997 no 14, consid. 6c ee, p. 121-123).
La jurisprudence a également précisé que l'article 1 C, chiffre 5, 2e alinéa de la
Convention est applicable à tous les réfugiés au sens matériel, même avant que leur
qualité ait été officiellement reconnue, et pas seulement aux réfugiés statutaires ;
en conséquence, cette disposition ne fait pas seulement obstacle à la révocation de
l'asile (par le renvoi de l'art. 41, 1er al., let. b LAsi), mais permet de l'accorder par
une décision positive (cf. JICRA 1995 no 16, consid. 6b, p. 161-163 ; 1996 no 42, consid.
7e-7g, p. 371-373).
c) Or, il est en l'espèce manifeste que F. M. a subi un traumatisme de la nature décrite
plus haut. Les deux certificats médicaux produits, élaborés à huit mois d'intervalle
et émanant de deux thérapeutes différents, posent en effet un diagnostic identique : le
premier fait état d'un "stress post-traumatique grave", dont la recourante
présente les symptômes caractéristiques (réminiscences et cauchemars, état
dépressif, somatisations anxieuses), au point de mettre en danger sa santé mentale ; le
second confirme la persistance de cette affection, dont il décrit d'autres effets
(émoussement émotionnel, hyperactivité neurovégétative, troubles de la mémoire). La
disparition, apparemment complète, de sa famille dans les massacres du printemps 1994
(dont ses parents, cinq surs et un frère) n'a pu qu'aggraver et prolonger l'état
de stress dont souffre l'intéressée. Il doit donc être considéré comme établi
qu'elle remplit les conditions posées par la jurisprudence rappelée ci-dessus et revêt
la qualité de réfugiée, bien que les circonstances à la suite desquelles elle a
quitté son pays aient en principe disparu.
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