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b) Le 6 avril 1994, en effet, l'avion dans lequel se trouvait le président
rwandais, Juvénal Habyarimana, avec son collègue burundais, a été abattu. Cet
attentat, dont les responsables n'ont jamais été identifiés avec certitude, a été
imputé par les courants les plus radicaux de la communauté hutu et du Mouvement
révolutionnaire national pour le développement (MRND), l'ancien parti unique, au
Mouvement patriotique rwandais (MPR), l'opposition armée dominée par les Tutsis, et
généralement à toute la communauté tutsi. Il y a, en fait, de bonnes raisons de penser
que la mort du président Habyarimana devait être imputée à ces éléments radicaux,
qui se refusaient à admettre, comme le prévoyaient les accords signés à Arusha (4
août 1993), un partage du pouvoir avec l'opposition. Quoi qu'il en soit, l'attentat a
servi de prétexte au déclenchement d'une vague de massacres sans précédent,
d'évidence soigneusement préparée, contre toute la communauté tutsi. Menés pour
l'essentiel par les milices du MRND (les "interhamwe") et la Garde
présidentielle, et avec le concours spontané d'un grand nombre de Hutus et la pleine
approbation du nouveau gouvernement, ces massacres ont eu lieu dans des conditions de
barbarie sans exemple. Commencés dès le 6 avril, ils se sont poursuivis pendant environ
trois mois, et ont fait, selon les estimations les plus généralement admises, de cinq
cent mille à un million de morts (cf. B. Lugan, Histoire du Rwanda de la Préhistoire à
nos jours, Lyon 1997, p. 516ss). Des centaines de milliers de Tutsis se sont alors
réfugiés dans les pays voisins, principalement la Tanzanie. Dès le début de cette
vague de tueries, le FPR a entrepris, à partir de la frontière ougandaise, la conquête
militaire du Rwanda, s'emparant de la capitale, Kigali, au début de juillet 1994 ; le
mois suivant, il avait le contrôle de tout le pays.
Comme le reconnaît implicitement l'ODR dans la décision attaquée, il est donc clair que
les Tutsis, durant cette période [avril-juillet 1994] ont fait l'objet d'une persécution
collective, dans le sens où leur seule appartenance ethnique suffisait à mettre en
danger, de manière concrète et probable, leur vie ou leur intégrité corporelle (cf.
JICRA 1997 no 14, consid. 4d ee, p. 115-116 ; 1996 no 21, p. 208 ss). Cette persécution
était d'origine étatique, soit que les autorités aient exécuté elles-mêmes les
massacres, soit qu'elles aient favorisé l'action ou laissé sciemment toute latitude dans
ce sens à des milices ou à d'autres groupements plus ou moins privés, alors qu'elles
auraient eu les moyens de les prévenir, dans une certaine mesure tout au moins. Elle ne
laissait de plus aucune possibilité de refuge interne aux personnes visées, tout le
territoire rwandais ayant été touché par les tueries. Il s'agissait donc bien, en
l'espèce, d'une tentative de génocide, au sens déterminé par la Convention
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