1997 / 14  - 114

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dd) Contrairement à l'opinion exprimée par l'ODR dans d'autres décisions, la commission considère que les opérations militaires serbes dirigées contre la ville démilitarisée de Srebrenica (décrites sous lettre bb ci-dessus) ne sont pas assimilables à des actes de guerre (au sens large d'un conflit armé), impliquant un affrontement de forces armées de deux ou plusieurs groupes organisés pouvant juridiquement ou de facto prétendre représenter l'Etat (cf. art. 1er du Protocole II; E. David, op. cit., p. 106s). En effet, ces opérations visaient à créer un mouvement migratoire massif dès la prise planifiée de la ville, de sorte à éliminer définitivement par la terreur toute présence musulmane dans une région destinée à terme à être entièrement occupée par les Serbes et considérée par ceux-ci, d'un point de vue militaire, comme stratégiquement importante. De plus, elles ont été exécutées en-dehors de toute situation de combat régulier et ne visaient en aucune manière la seule conquête par les armes d'une portion de territoire (cf. R. Marx, Handbuch zur Asyl- und Flüchtlingsanerkennung, Neuwied/Kriftel/Berlin, 1995, § 13, p. 36); elles étaient dirigées en réalité contre une population civile en violation flagrante du droit international, en particulier des quatre Conventions de Genève de 1949. Elles devaient par définition conduire à un empêchement de facto de toute reddition en bonne et due forme des troupes musulmanes privées de la quasi-totalité de leurs armes et de tous les autres civils réfugiés dans la ville, avec les garanties de sécurité conformes au droit international des conflits armés. Elles s'inscrivaient dans une politique d'épuration ethnique, et avaient pour but de terroriser une population civile d'une manière ciblée, et pour résultat d'induire chez les survivants une pression psychique insupportable rendant impossible ou difficilement supportable la poursuite, à Srebrenica, de la vie ou d'une existence conforme à la dignité humaine. Ces actions, disproportionnées et dépourvues de toutes légitimité, ont représenté une atteinte aux biens juridiques, protégés à l'article 3 LA, d'une catégorie bien précise de personnes, et ce pour deux des raisons énumérées exhaustivement dans cette disposition légale, à savoir les appartenances nationale (ethnique) et religieuse (cf. W. Kälin, Grundriss, op. cit., p. 81 et 121ss; S. Albert, Les réfugiés bosniaques en Europe, Centre de droit international de Paris I, Paris 1995, p. 86 et 90). D'autre part, au vu de leur caractère ciblé, fréquent et durable, les sérieux préjudices endurés entre le 19 avril 1993 et le 10 juillet 1995 par les habitants de Srebrenica, d'ethnie musulmane, ont frappé sans distinction toute personne faisant partie de ce groupe de population (cf. S. Bodart, Les réfugiés apolitiques: guerre civile et persécution de groupe au regard de la Convention de Genève, in: IJRL, vol. 7, 1995, p. 43 et 49ss; W. Kälin, Refugees and Civil War: Only a Matter of Interpretation, in IJRL, vol. 3, 1991, p. 435ss, spéc. p. 441 et 443; J. A. Frowein, Bürgerkrieg, humanitäres Völkerrecht -