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compte-gouttes. Les autorisations de sortie de la ville, destinées en
priorité aux civils blessés et malades, n'étaient souvent accordées qu'en échange de
la "libération" de Serbes retenus dans d'autres zones musulmanes (cf. Ph.
Morillon, Croire et oser, Chronique de Sarajevo, Paris 1993, p. 179), ou encore, d'une
manière arbitraire, contre la fourniture de rançons (Neue Zürcher Zeitung, 22 mars
1993). Cette stratégie d'affaiblissement et cette politique arbitraire, adoptées en la
matière par les troupes serbes, ont été poursuivies après la capitulation des troupes
musulmanes de Srebrenica et l'accord de démilitarisation signé le 18 avril 1993 à
Sarajevo entre le général serbe bosniaque Mladic et le général musulman bosniaque
Halilovic, afin d'assurer à terme une prise de possession de la ville sans pertes
militaires. Par la résolution 819 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 16 avril
1993, réaffirmée par celles du 6 mai et 4 juin 1993 portant les références 824 et 836,
la ville de Srebrenica et ses environs ont été déclarés "zone de sécurité"
(cf. IJRL, vol. 5, 1993, p. 493 et 498). Il s'agissait pour l'ONU non seulement de
préserver la ville d'une catastrophe humanitaire en assurant à sa population une
possibilité de survie, mais aussi d'éviter tout exode massif en direction des zones
contrôlées par les Musulmans, respectivement vers les pays d'accueil de réfugiés (M.
Barutcinski, op. cit., IJRL, vol. 8, 1996, p. 86 et 88). A cette époque, l'agglomération
de Srebrenica a pu compter jusqu'à 60'000 habitants. Des milliers sont morts sous les
bombardements ou de famine, et des milliers d'autres ont quitté la ville avant que les
troupes serbes ne s'en emparent. Lors de sa prise, le 11 juillet 1995, suivie de
massacres, la population de la ville s'élevait encore à environ 37'000 à 40'000
personnes. Les nombreux témoignages recueillis s'accordent à dire que les gens qui y
avaient survécu, à cette date, n'avaient pas volontairement choisi d'y rester, mais
qu'au contraire ils n'avaient pas trouvé à temps les moyens de partir en sécurité.
bb) Il convient à ce stade d'examiner à quel point, durant la période de siège de la
ville située entre le 18 avril 1993 (date de la fin des combats) et le 10 juillet 1995,
les troupes serbes ont respecté les résolutions déclarant Srebrenica "zone de
sécurité" sous la protection des Nations Unies.
La notion de "zone de sécurité" impliquait :
- la cessation de tout acte d'hostilité contre cette zone,
- le retrait de toutes les unités militaires et paramilitaires jusqu'à une
distance telle que ces unités ne constituassent plus une menace pour
cette zone,
- le libre accès de cette zone à la FORPRONU et aux organisations
humanitaires, et
- le respect de la sécurité des membres de ces institutions.
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