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Extraits de la décision de la CRA du 13 septembre 2005, M.D.,
nationalité inconnue

Art. 16 al. 2 LAsi et 4 OA 1 : langue de la procédure dans le cas d'un canton bilingue.

1. Lorsqu’un requérant est attribué à un canton bilingue, la langue officielle de la procédure, au sens de l'art. 16 al. 2 LAsi, est celle que désigne la législation cantonale applicable pour le lieu de résidence de l'intéressé (consid. 2.).

2. Une exception à cette règle n'est possible que lorsque les conditions posées par l'art. 4 OA 1 et la jurisprudence (JICRA 2004 n° 29) sont remplies et que l'autorité de première instance a dûment justifié cette exception dans le cas d'espèce, sans quoi l'informalité sera en principe sanctionnée par la cassation de la décision (consid. 3.).

Art. 16 Abs. 2 AsylG und Art. 4 AsylV 1: Verfahrenssprache in einem zweisprachigen Kanton.

1. Wird ein Gesuchsteller einem zweisprachigen Kanton zugewiesen, so bestimmt sich die vom Bundesamt anzuwendende Verfahrenssprache im Sinne von Art. 16 Abs. 2 AsylG nach den kantonalen Vorschriften, die für den Aufenthaltsort des Betroffenen gelten (Erw. 2.).

2. Von dieser Regelung kann nur abgewichen werden, wenn die Voraussetzungen von Art. 4 AsylV 1 sowie jene der dazu entwickelten Rechtssprechung (EMARK 2004 Nr. 29) gegeben sind und wenn die Vorinstanz die Abweichung im konkreten Einzelfall entsprechend begründet hat. In allen anderen Fällen liegt ein Verfahrensmangel vor, der die Kassation der Verfügung nach sich zieht (Erw. 3.).

Art. 16 cpv. 2 LAsi e 4 OAsi 1: lingua della procedura nei cantoni bilingue.

1. Allorquando un richiedente l’asilo è attribuito ad un Cantone bilingue, la lingua ufficiale della procedura ai sensi dell’art. 16 cpv. 2 LAsi è


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quella designata dalla legislazione cantonale per il luogo di residenza del richiedente stesso (consid. 2.).

2. Un’eccezione a tale regola è possibile solo nella misura in cui sono adempite le condizioni poste dall’art. 4 OAsi 1 e dalla giurisprudenza (GICRA 2004 n. 29), e quando l’autorità di prime cure ha debitamente giustificato il ricorso all’eccezione. In caso contrario, il vizio sarà sanzionato con la cassazione della decisione impugnata (consid. 3.).

Résumé des faits :

Par décision du 27 janvier 2005, rédigée en allemand et notifiée le 1er février suivant à Ardon, lieu de résidence de l'intéressé, l'ODM n'est pas entré en matière sur la demande d'asile de M. D., en application de l'art. 32 al. 2 let. a LAsi, a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l'exécution de cette mesure le jour suivant l’entrée en force de la décision.

Interjetant recours, l'intéressé a fait grief à l'autorité de première instance de lui avoir adressé une décision en allemand et a expliqué qu'il n'avait pas été en mesure de trouver un mandataire avant l'expiration du délai de recours. Il a conclu principalement à l'annulation de la décision attaquée.

Invité à se prononcer sur le recours, l'ODM en a préconisé le rejet dans sa prise de position du 14 février 2005, faisant valoir que le canton de résidence du recourant, le Valais, étant bilingue, il était loisible à l'autorité d'y notifier des décisions aussi bien en français qu'en allemand ; une telle latitude s'imposait d'ailleurs aussi pour des raisons d'organisation, le requérant pouvant en effet être appelé à s'établir inopinément dans une autre commune si les autorités cantonales en décidaient ainsi. De plus, l'intéressé n'était lui-même pas francophone. Faisant usage de son droit de réplique, M. D. a fait valoir qu'il n'avait pas pu comprendre la décision de l'ODM.

A nouveau invité à prendre position, l'ODM, le 27 avril 2005, a préconisé le rejet du recours, communiquant parallèlement à la Commission une traduction française de sa décision à l'intention du recourant. Invité à déposer un mémoire complémentaire, ce dernier a maintenu, le 23 mai suivant, son argumentation.

La Commission a rejeté le recours.


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Extraits des considérants :

2.
2.1. La question se pose de la conformité de la décision attaquée, notifiée au recourant en allemand, aux principes posés par la loi et la jurisprudence de la Commission, s'agissant de la langue dans laquelle doit être rédigée la décision de première instance.

2.2. Selon l'art. 16 al. 2 LAsi, la procédure engagée devant l'ODM est en principe conduite dans la langue officielle dans laquelle l'audition cantonale a eu lieu ou dans la langue officielle du lieu de résidence du requérant.

2.3. Dans le cas particulier, l'audition cantonale a été tenue en français. S'agissant de la langue officielle du lieu de résidence du recourant, la Commission relève ce qui suit :

En application du principe de la compétence générale des cantons (art. 3 Cst.), la Constitution fédérale, à son art. 70 al. 2, prévoit que ceux-ci déterminent leurs langues officielles, parmi les langues nationales qu'énumère l'art. 4 Cst.. C'est donc à la législation cantonale - en l'occurrence valaisanne - qu'il convient de se reporter pour déterminer la langue officielle au sens de l'art. 16 al. 2 LAsi.

L'art. 12 de la Constitution du Valais se limite à désigner le français et l'allemand comme "langues nationales". Toutefois, bien qu'aucune disposition législative ne consacre expressément ce principe, le Valais applique en réalité le principe de la territorialité des langues, en ce sens que le territoire cantonal est divisé en deux parties, dont chacune ne connaît qu'une langue officielle. Cela ressort de plusieurs dispositions, parmi lesquelles figure en effet l'art. 6 al. 2 du Règlement sur l'organisation de l'administration cantonale, cité par le recourant, selon lequel "les procédures se dérouleront dans le respect du principe de territorialité par l'emploi de la langue en usage dans la région concernée". Le principe de territorialité se déduit cependant aussi de l'art. 4 al. 2 du Règlement d'application de la loi d'organisation judiciaire et l'art. 64 du Code de procédure civile ; ces deux dernières dispositions prévoient en effet que les juges de commune et de district procèdent "dans la langue du siège". On citera également l'art. 4 du Code de procédure pénale, selon lequel "la procédure devant les tribunaux de police a lieu en langue allemande dans le Haut-Valais et en langue française dans la partie romande du canton". Enfin, l'art. 7 de l'Ordonnance d'exécution de la loi d'application du CC détermine la langue dans laquelle doivent être tenus les registres d'état civil par les districts, classant nommément ces derniers en districts francophones et districts germanophones. Selon cette


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dernière disposition, le district de Conthey, où se situe la commune d'Ardon, est francophone.

2.4. Dans le cas particulier, les deux critères retenus à l'art. 16 al. 2 LAsi convergent pour désigner in casu le français comme langue de la procédure ; en effet, bien que le Valais soit un canton bilingue, le droit cantonal applicable prévoit que chaque district, isolément considéré, est monolingue. Force est donc de conclure que l'autorité de première instance, rendant une décision en allemand, a violé cette disposition.

3.
3.1. Aux termes de l'art. 4 OA 1, il ne peut être dérogé à la règle générale que lorsque le requérant ou son mandataire maîtrise une autre langue officielle (let. a), lorsqu'une telle mesure s'avère provisoirement nécessaire pour traiter les demandes d'asile de façon particulièrement efficace et rapide en raison du nombre des requêtes ou de la situation sur le plan du personnel (let. b), ou lorsque le requérant est directement entendu sur ses motifs au CERA et attribué à un canton où une autre langue officielle est parlée (let. c).

3.2. Dans sa décision de principe publiée sous JICRA 2004 n° 29, la Commission a précisé la portée de ces dispositions. Elle a ainsi spécifié qu'une exception à la règle posée par l'art. 16 al. 2 LAsi était possible, en application de l'art. 4 let. b et c OA 1, si le requérant était assisté par un mandataire professionnel.

Toutefois, l'ODM peut, en l'absence d'un mandataire, déroger à la règle générale de l'art. 16 al. 2 LAsi s'il a pris des mesures correctives adéquates pour garantir le droit du requérant à un recours effectif et à un procès équitable, par exemple en traduisant la décision prise dans une langue connue de l'intéressé ; si de telles mesures n'ont pas été prises et qu'il n'a pas été remédié à cette lacune au stade du recours, la conséquence en sera la cassation de la décision attaquée.

3.3. Dans le cas particulier, l'ODM n'a pas fait valoir, pour justifier sa position, que l'art. 4 let. b OA 1 (la let. c ne pouvant entrer en considération ici) était applicable, ni n'a expliqué pour quelles raisons il l'aurait été, ainsi qu'il aurait normalement dû le faire (cf. JICRA 2004 n° 29 déjà citée, consid. 11.2., p. 195-196). On doit cependant constater qu'en tout état de cause, la mise en oeuvre de cette disposition aurait été problématique, dans la mesure où l'ODM n'a fait état d'aucune charge de travail exceptionnelle ou situation particulière sur le plan du personnel.


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En conséquence, au moment de la notification de la décision attaquée, les conditions mises par la jurisprudence de la Commission à la cassation étaient remplies ; en effet, M. D. n'était alors pas assisté d'un mandataire professionnel, l'art. 4 OA 1 n'était manifestement pas applicable et, au surplus, aucune mesure corrective spécifique n'avait été prise par l'ODM pour lui garantir le droit à un procès équitable, que ce soit en procédure de première instance ou dans le cadre du recours, à l'occasion de sa première prise de position.

Toutefois, il peut être en l'espèce exceptionnellement admis que le vice de procédure que représentait la notification au recourant d'une décision rédigée en allemand a ensuite été guéri. Donnant suite à l'invitation de la Commission, l'ODM a en effet respecté le droit d'être entendu de l'intéressé en lui faisant parvenir une traduction française de sa décision ; il n'y a donc pas lieu à cassation de la décision attaquée.

3.4. Si la Commission admet ici exceptionnellement, vu les circonstances du cas d'espèce, que l'informalité commise par l'autorité de première instance a été réparée, cela ne signifie pas pour autant que l'ODM ait toute latitude de rendre des décisions dans une autre langue que celle découlant de la règle posée par l'art. 16 al. 2 LAsi, en escomptant que le vice pourra être réparé en procédure de recours ; en effet, dans le principe, un vice de procédure touchant au droit d'être entendu, droit de nature formelle, ne peut être réparé par l'autorité de recours et doit entraîner la cassation de la décision attaquée (cf. la décision de principe publiée sous JICRA 1994 n° 1).

 

 

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