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Extraits de la décision de la CRA du 8 mai 2002, B. A., Sierra Leone

Art. 14a al. 4 LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi.

L'exécution du renvoi en Sierra Leone est en principe raisonnablement exigible.

Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges.

Grundsätzliche Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges nach Sierra Leone.

Art. 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.

L'esecuzione dell'allontanamento verso la Sierra Leone è di regola ragionevolmente esigibile.

Extraits des considérants :

8. a) Selon l'art. 14a al. 4 LSEE, l'exécution du renvoi ne peut notamment pas être raisonnablement exigée si elle implique une mise en danger concrète de l'étranger. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22 p. 191).

[…]

c) S'agissant de la situation générale prévalant en Sierra Leone, des changements importants constatés récemment amènent la Commission à revoir son appréciation en ce qui concerne la mise en danger concrète de ressortissants de ce pays en cas de renvoi dans leur pays d'origine. Depuis la dernière jurisprudence 


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publiée (JICRA 1999 n° 28), la situation s'était dégradée, ce qui avait conduit la Commission à ne plus prononcer provisoirement d'exécution du renvoi en Sierra Leone.

Aujourd'hui, la Commission constate qu'après plus de dix ans de violences et de combats en Sierra Leone, une évolution positive a eu lieu ces derniers mois, qui a abouti le 17 janvier 2002 à la proclamation de la fin de la guerre civile par le président Ahmad Tajan Kabbah et son principal contradicteur, le Revolutionary United Front (RUF), et à l'annonce officielle du succès du programme de désarmement. Certes, la mise en œuvre de l'accord de paix signé à Lomé le 7 juillet 1999 et du programme visant au désarmement, à la démobilisation et à la reconversion des combattants ("DDR program") a été difficile, et le long processus de paix, engagé dès 1995, a été plusieurs fois menacé au cours des dernières années. Toutefois, l'accord intervenu le 17 janvier 2002 entre le gouvernement sierra léonais et les rebelles du RUF marque une étape significative dans la pacification en cours.

Si la guerre a officiellement pris fin en Sierra Leone, la situation générale de ce pays n'en reste pas moins précaire et encore quelque peu incertaine. Ainsi, l'on ne saurait considérer que la sécurité soit rétablie partout et l'infrastructure médicale reste largement insuffisante. Cependant, les évènements de ces derniers mois et les efforts accomplis durant l'année 2001 témoignent de la volonté du gouvernement, comme du RUF et de la communauté internationale, de mettre enfin un terme à cette décennie de guerre civile.

La Mission d'observation des Nations Unies en Sierra Leone (UNOMSIL), instituée le 13 juillet 1998 par le Conseil de sécurité de l'ONU a été remplacée, le 22 octobre 1999, par la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (UNAMSIL/MINUSIL) dont l'envergure et les tâches sont beaucoup plus importantes. L'UNAMSIL, en collaboration avec les forces d'interposition de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (ECOMOG), est parvenue, depuis le mois de mai 2001, à désarmer plus de 40'000 combattants dans toutes les régions du pays, et ainsi à mener à terme le programme de désarmement. La présence des 17'400 militaires de l'UNAMSIL, en particulier à Freetown et dans le Nord du pays, a également grandement contribué à améliorer la sécurité générale en Sierra Leone, et la libre circulation des personnes. Elle a aussi aidé le pouvoir en place à renforcer son autorité sur l'ensemble du territoire.

Si le programme de désarmement est aujourd'hui achevé, tous les anciens combattants n'ont pas encore pu être réinsérés dans la société. Cependant, des milliers d'entre eux ont déjà reçu une aide financière ou ont pu bénéficier de pro-


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grammes de formation. Par ailleurs, le gouvernement sierra léonais, ainsi que les représentants du RUF et de l'UNAMSIL, ont fait savoir, dans leur communiqué du 17 janvier 2002, qu'ils avaient l'intention de mettre en œuvre un programme commun de collecte et de destruction des armes qui circuleraient encore au sein de la population sierra léonaise, et qui n'étaient pas visées par le programme DDR. Les représentants du RUF se sont également engagés à transformer leur mouvement en un véritable parti politique, en vue des élections présidentielles et parlementaires qui auront lieu le 14 mai 2002**. Cette transformation ne pourra se faire sans la collaboration des autorités sierra léonaises. L'ONU, quant à elle, apporte, depuis l'automne dernier déjà, son soutien logistique, technique et financier à la préparation de ces élections, et, par le biais de l'UNAMSIL, elle veillera à leur bon déroulement. De plus, le 16 janvier 2002, et conformément à la résolution du Conseil de sécurité du 14 août 2000 (résolution 1315/2000), l'ONU a conclu un accord avec le gouvernement de Ahmad Tajan Kabbah concernant la création d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Ce Tribunal aura pour vocation de poursuivre et juger les personnes responsables des graves violations du droit international humanitaire et du droit national sierra léonais commises depuis 1996.

Ainsi, grâce aux efforts réalisés par chacune des parties au conflit et eu égard aux perspectives encourageantes évoquées plus haut, un certain climat de sécurité et de paix s'est progressivement installé en Sierra Leone. On en veut pour preuve le retour en Sierra Leone de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, qui avaient choisi de quitter leur pays et de fuir en Guinée ou au Libéria (cf. les données fournies par le HCR dans le cadre du 12ème Rapport du Secrétaire général de l'ONU au sujet de la mission des Nations-Unies en Sierra Leone du 13 décembre 2001).

Ainsi, la situation actuelle en Sierra Leone ne justifie plus que l'on renonce de manière systématique, et quelles que soient les circonstances du cas d'espèce, au renvoi de tous les ressortissants de cet Etat.

d) En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de B. A. que l'exécution de son renvoi impliquerait pour lui, et de manière ciblée, une mise en danger concrète et personnelle. Il est en effet jeune, célibataire, en bonne santé et a toujours vécu à Freetown, ville qu'il a quittée il y a six mois à peine.

e) Pour ces motifs, l'exécution du renvoi doit être considérée comme raisonnablement exigible.

 

 

 

** ndlr. Le Président sortant Ahmad Tajan Kabbah a été reconduit dans ses fonctions lors des éléctions du 14 mai 2002.

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