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Extraits de la décision de la CRA du 14 novembre 2005, D.N., Burundi

Art. 14a al. 4 LSEE : exigibilité de l’exécution du renvoi au Burundi.

Vu l'apaisement de la situation intérieure du Burundi, l'exécution du renvoi vers ce pays est en principe raisonnablement exigible.

Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs.

Nach Beruhigung der Lage in Burundi ist der Vollzug der Wegweisung grundsätzlich zumutbar.

Art. 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell’esecuzione dell’allontanamento verso il Burundi.

Visto il miglioramento della situazione interna, la pronuncia dell’esecuzione dell’allontanamento verso il Burundi è, di principio, ragionevolmente esigibile.

Résumé des faits :

La requérante, appartenant à la communauté tutsi, a expliqué que ses parents avaient été tués en 1993 par les rebelles hutus. En avril 2000, sa sœur aurait été violée par des guérilleros hutus et emmenée de force ; on n'en aurait plus jamais eu de nouvelles. Le 11 juillet 2003, un groupe d'assaillants hutus aurait attaqué son village ; son cousin, présent sur place, aurait été tué. S'étant rendue à Bujumbura, l'intéressée aurait été hébergée par un oncle durant un mois avant de regagner son village.

En septembre 2003, peu après le début des cours qu'elle suivait à l'Ecole supérieure technique administrative (ESTA), la requérante aurait été capturée, en même temps qu'une dizaine d'autres filles, par des combattants hutus. Après une semaine, l'intéressée aurait pu s'enfuir et regagner Bujumbura. Elle aurait ensuite gagné la Suisse.


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Le 9 juillet 2004, la représentation diplomatique suisse compétente a communiqué que l'intéressée était inconnue à l'ESTA, que la carte d'identité qu'elle avait produite était totalement fausse, que son enlèvement n'avait jamais eu lieu et qu'il était impossible de se prononcer sur le sort de sa sœur. L'ODR a rejeté la demande d'asile déposée par l'intéressée, vu le manque de crédibilité de ses motifs, et a prononcé son renvoi de Suisse, la requérante disposant certainement d'un réseau familial au Burundi.

Au stade du recours, la recourante a déposé une "attestation de fréquentation scolaire" pour 2002-2003 signée du directeur du Lycée technique municipal de Rohero (ancienne ESTA), ainsi qu'un "acte de décès" concernant ses parents émis, le 10 septembre 2004, par le gouverneur de la province de Kayanza. Le 7 avril 2005, l'ambassade a communiqué que l'attestation du Lycée technique était un faux. Quant à l'acte de décès, son authenticité était également douteuse.

La recourante a fait valoir que, vu l'absence de réseau familial suffisant au Burundi et sa situation de femme seule, elle serait exposée à des risques particulièrement élevés en cas de retour. L'intéressée a également fait valoir son état psychique perturbé un certificat médical ayant posé le diagnostic d'un état de stress post-traumatique (PTSD) et d'état dépressif moyen, troubles traités par des entretiens psychothérapeutiques hebdomadaires.

La Commission a rejeté le recours.

Extraits des considérants :

6.2. S'agissant du caractère raisonnablement exigible de l'exécution du renvoi, la Commission relève que le Burundi a connu, de longue date mais surtout de 1993 à 1996, des troubles graves opposant la minorité tutsi, détentrice des postes de responsabilité, particulièrement dans l'armée, et la majorité hutu. La seconde présidence de Pierre Buyoya (1996-2003) n'a pas fondamentalement permis de changer cette situation, les affrontements interethniques sanglants n'ayant pas cessé ; il ne pouvait toutefois lui être dénié une volonté d'apaisement et la résolution de mettre sur pied un meilleur partage du pouvoir, susceptibles de normaliser la situation au Burundi et de faire cesser les désordres civils. La violence est restée longtemps importante, tant du fait de l'armée que des groupes armés hutus. Le gouvernement et l'armée ont recouru, pour venir à bout des mouvements de guérilla hutus, à une politique de regroupement forcé des villageois dans des camps, où les conditions de vie étaient extrêmement difficiles.


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En 1999, des négociations de paix entre le gouvernement et les groupes d'opposition se sont engagées avec difficulté et ont abouti, le 28 août 2000, à un accord de paix qui ne s'est concrétisé qu'après une longue période de tension, pendant laquelle les affrontements se sont poursuivis. Pierre Buyoya a finalement cédé son poste, le 30 avril 2003, au Hutu Domitien Ndayizeye. Un accord de paix a été signé en Afrique du Sud, le 8 octobre 2003, entre le gouvernement et les CNDD-FDD [Centre national de défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie], principal mouvement armé hutu. Ce dernier a signé l'accord de partage du pouvoir, du 6 août 2004, prévoyant l'allocation aux Hutus de 60% des postes militaires et administratifs (cf. le Monde diplomatique, octobre 2004). Aujourd'hui, l'intégration des anciens rebelles dans l'armée et la fonction publique est accomplie.

Le 1er novembre 2004, est entrée en vigueur, à titre intérimaire, la nouvelle constitution, confirmée par un vote populaire du 28 février 2005, et un cessez-le-feu a été conclu, le 15 mai 2005, entre le gouvernement et les FNL [Front national de libération], dernier groupe armé rebelle hutu (cf. Le Figaro, 17 mai 2005). Une série de consultations électorales s'est déroulée durant l'été 2005. Le 4 juillet 2005, les CNDD-FDD ont obtenu la majorité aux élections parlementaires, et leur candidat, Pierre Nkurunziza, a été élu à la présidence, le 19 août suivant (cf. Le Temps, 20 août 2005 ; Le Monde, 26 août 2005). Seules les FNL continuent la lutte et font régner une certaine insécurité dans la province de Bujumbura-rural (cf. Le Monde, 26 août 2005) ; cependant, la persistance de cette agitation n'empêche pas d'admettre que le Burundi est quasiment, aujourd'hui, un pays en paix, les troubles en cause n'ayant fait que peu de victimes. On ne peut plus maintenant considérer que le Burundi soit un pays affecté par une guerre ou des violences généralisées (cf. à ce sujet JICRA 2005 n° 13 consid. 7.2. p. 121).

6.3. Dans le cas d'espèce, on peut légitimement considérer que la recourante, qui a faussement affirmé la mort de ses parents et a fait valoir des motifs entièrement controuvés, dispose sans nul doute, contrairement à ses assertions, d'un réseau familial au Burundi. Au demeurant, elle a fait des études et n’a pas de charges de famille, tous facteurs propres à faciliter sa réinsertion dans un pays qu’elle a quitté il y a moins de deux ans.

S'agissant de son état de santé, on rappellera que l'exécution du renvoi ne devient inexigible qu'à partir du moment où, en raison de l'absence de possibilités de soins essentiels dans son pays d'origine ou de destination, l'état du requérant se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de sa intégrité physique ou psychique (cf. JICRA 2003 n° 24). Dans le cas d'espèce, l'état de la recourante, qui nécessite un suivi par entretiens


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psychothérapeutiques, n'est pas aigu, et rien n'indique que des mesures curatives plus importantes, telle qu'une hospitalisation, soient nécessaires dans un proche avenir. Si le Burundi ne connaît guère les traitements psychothérapeutiques des malades psychiques selon le modèle occidental, les centres de soins ont mis sur pied des traitements associant les pratiques africaines (guérisseurs) et l'apport de médicaments (cf. T. M. Abdul-Rasul, Le pluralisme thérapeutique en psychiatrie au quartier asiatique de Bujumbura au Burundi, in Bulletin des médecins suisses, 2001, n° 8).

Le traitement des maladies psychiques est donc possible, avec le soutien de la famille. Or, vu la probable présence d'un réseau familial convenable sur lequel la recourante pourra s'appuyer, ce traitement devrait pouvoir être suivi sans difficultés excessives, quand bien même il ne correspond pas aux standards en vigueur en Suisse. Dans ce contexte, un retour dans le pays d'origine est envisageable, moyennant une aide au retour adaptée, ainsi sous forme de médicaments (cf. art. 93 al. 1 let c LAsi), et une préparation au départ menée par les soins du thérapeute en charge de l'intéressée, le délai de départ pouvant être fixé en fonction des exigences du traitement en cours.

 

 

 

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© 29.12.06