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Extraits de la décision de la CRA du 28 octobre 2003, M. C., Côte d’Ivoire

Art. 14a al. 4 LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi.

L'exécution du renvoi en Côte d’Ivoire est en principe raisonnablement exigible.

Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs.

Grundsätzliche Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges in die Elfenbeinküste.

Art. 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.

L'esecuzione dell'allontanamento verso la Costa d’Avorio è di regola ragionevolmente esigibile.

Résumé des faits :

Le 18 août 2002, M.C., ressortissant ivoirien est entré en Suisse et y a déposé une demande d’asile. Chrétien ou musulman d’origine dioula, le recourant est né à Touba (Nord de la Côte d’Ivoire) mais a vécu à Abidjan dès l’âge de six ans. Il y a accompli une scolarité supérieure. Sans profil politique particulier, il a fait valoir sa crainte de subir le même sort que son frère, un militaire de carrière arrêté lors des troubles ayant secoué la capitale ivoirienne en décembre 2000, puis abattu. Il s’est également prévalu de ses craintes liées à son origine ethnique.

Par décision du 7 mai 2003, l’ODR a rejeté la demande d’asile de l’intéressé et prononcé son renvoi de Suisse ainsi que l’exécution de cette mesure.

M.C. a recouru le 8 mai 2003 contre la décision précitée. Il a conclu à l’annulation de la décision attaquée et à l’inexigibilité du renvoi de Suisse. A l’appui de son recours, il a pour l’essentiel réitéré sa précédente argumentation, et s’est prévalu de son absence de réseau tant familial que social et de la situation très instable régnant dans son pays d’origine.


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La CRA a rejeté le recours.

Extraits des considérants :

7.b) Selon l'art. 14a al. 4 LSEE en relation avec l'art. 44 al. 2 LAsi, l'exécution du renvoi ne peut notamment pas être exigée si elle implique la mise en danger concrète de l'étranger. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22 p. 101).

ba) S’il est vrai que la Côte d’Ivoire a traversé une très grave crise suite au putsch avorté contre le pouvoir du président Gbagbo, le 19 septembre 2002, force est toutefois de constater qu’aujourd’hui, il n’y a plus lieu d’admettre que ce pays est en proie à une guerre civile ou à un climat de violences généralisées sur l’ensemble de son territoire.

A l’issue d’un coup d’Etat manqué, le 19 septembre 2002, à Abidjan (sud), les rebelles du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), principalement composés de Dioulas, originaires du nord, ont pris le contrôle du nord à majorité musulmane et de la majeure partie de l’ouest, coupant pratiquement le pays en deux, le sud chrétien restant en mains des forces gouvernementales. Réclamant le départ du président Laurent Gbagbo considéré comme non légitime à la tête du pays et la tenue de nouvelles élections, le MPCI a, d’une manière plus globale, représenté le sentiment largement partagé par la plupart des Ivoiriens du nord d’avoir été exclus politiquement et systématiquement discriminés au cours des dernières décennies. La fin du mois de novembre 2002 a vu l’émergence de deux nouveaux groupes rebelles, le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement Populaire du Grand Ouest (MPIGO), lesquels se sont rapidement rapprochés du MPCI (Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, août 2003 p.11).

Après quatre mois d’un conflit qui a fait plusieurs milliers de morts et déplacé plus d’un million de civils, les protagonistes de la crise ivoirienne ont signé, le


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24 janvier 2003 à Marcoussis, près de Paris, un accord prévoyant le maintien au pouvoir du président Gbagbo et la formation d’un gouvernement d’union nationale, ouvert à toutes les parties, y compris les rebelles (Agence télégraphique suisse, 24.01.03). Toutefois face à l’intensification des violences, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé, le 5 février 2003, le déploiement en Côte d’Ivoire de forces militaires françaises et de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), leur permettant de recourir à la force (Résolution 1464 des Nations Unies, Associated Press, 05.02.03). Finalement, après plusieurs mois d’impasse politique, le gouvernement de réconciliation nationale, composé notamment de neuf ministres issus de la rébellion, est entré en fonction le 16 avril 2003 (Agence télégraphique suisse, 16.04.03). Le 4 mai 2003, un cessez-le-feu conclu la veille entre le gouvernement et les insurgés est entré en vigueur pour mettre fin à sept mois de guerre civile (Associated Press, 04.05.03). Suite à cette évolution positive, le 9 mai suivant, le gouvernement a levé le couvre-feu instauré sur l’ensemble du territoire après l’insurrection du 19 septembre 2002, couvre-feu qui a fortement perturbé la vie quotidienne et les activités économiques du port d’Abidjan, l’un des plus importants d’Afrique de l’ouest (Agence télégraphique suisse, 10.05.03). En outre, la Mission des Nations unies pour la Côte d’Ivoire (MINUCI), créée pour une période initiale de six mois, a commencé le 3 juillet 2003, son déploiement sur le terrain. Celle-ci, composée dans une première phase de 26 officiers non armés, assure une mission de liaison militaire entre les FANCI (Forces armées nationales de Côte d’Ivoire), les forces françaises, celles de la CEDEAO et les rebelles regroupés au sein des Forces Nouvelles (Agence télégraphique suisse, 03.07.03). En outre, ce long processus de pacification a abouti le 4 juillet 2003 à la proclamation officielle et commune des FANCI et des Forces Nouvelles de la fin de la guerre civile, en présence du président Gbagbo et de tous les membres du gouvernement (Agence télégraphique suisse, 04.07.03). Le 6 août 2003, le Parlement a par ailleurs adopté une loi amnistiant toutes les atteintes à la sûreté de l'Etat liées aux troubles politiques entre le 17 septembre 2000 et le 19 septembre 2002 (Agence France Presse, 23.09.03).

Aujourd’hui, en dépit de la réouverture, le 10 septembre 2003, de la frontière terrestre entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, fermée depuis le début de la rébellion, la Côte d’Ivoire demeure divisée par une ligne de cessez-le-feu séparant le nord, acquis aux rebelles et le sud, contrôlé par le gouvernement. Si la situation générale reste précaire et est encore quelque peu incertaine, il n’en demeure pas moins que ce pays ne connaît plus de guerre civile, ni de situation de violences généralisées sur l'ensemble de son territoire. Aujourd’hui, les autorités mises en place dans ce pays se sont engagées dans un processus de réconciliation qui voit le président Gbagbo partager le pouvoir avec des ex-rebelles, désormais ministres de la République. Certes, les tensions demeurent nombreuses,


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les représentants des Forces Nouvelles reprochant au chef de l’Etat de leur nier les prérogatives conférées par l’accord de Marcoussis et de n’avoir aucune prise ni sur leur administration, ni sur les sociétés publiques dans leur domaine de responsabilité. Toutefois, la présence de la France et de la CEDEAO, qui ont déployé une force d’interposition composée respectivement de 4000 et 1200 hommes, pour superviser le cessez-le-feu, permet pour l’heure d’écarter l’éventualité d’une reprise des hostilités. Dans l'ensemble du pays, y compris le nord sous contrôle des Forces nouvelles, la situation peut être qualifiée de calme, en dépit de quelques incidents. A Abidjan, les hôpitaux, les banques et les activités commerciales fonctionnent à nouveau convenablement. Quant aux écoles, elles ont ouvert normalement à l'occasion de la rentrée scolaire d'octobre 2003. En ce qui concerne les problèmes ethniques, tant la presse ivoirienne que les représentants de l'ONU n'ont pas, durant ces deniers mois, rapporté d'incidents majeurs dans la capitale. Dans ces conditions, la situation actuelle en Côte d’Ivoire ne justifie pas que l’on renonce d'une manière systématique à l'exécution du renvoi de tous les ressortissants de cet Etat.

bb) Pour ce qui a trait au recourant, il n'y a pas lieu d'admettre sur la base du dossier l'existence d'un motif d’ordre personnel qui pourrait faire obstacle à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 14a al. 4 LSEE. Il est jeune, ne fait pas valoir de problèmes de santé et est sans charge de famille. Même s'il allègue être dénué de réseau familial dans son pays d'origine, il n'en demeure pas moins qu'il a vécu et étudié à Abidjan depuis l'âge de six ans. Dans ces conditions, il ne fait aucun doute qu'il a su y tisser pendant cette période un réseau de relations et d'amis qui lui permettront de surmonter les difficultés initiales qui pourraient éventuellement résulter de son retour en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, même s'il a été contraint de mettre un terme prématuré à ses études, il a néanmoins accompli une scolarité supérieure et est titulaire d'un brevet d'études professionnelles en électronique. Dans ces conditions, il peut être exigé de lui qu'il fournisse les efforts nécessaires pour se réinstaller dans son pays d'origine.

L'exécution du renvoi apparaît ainsi être raisonnablement exigible au sens de la disposition précitée.

 

 

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