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Extraits de la décision de la CRA du 18 septembre 2001, S. N., Sri Lanka

Art. 44 al. 3 LAsi : admission provisoire pour cas de détresse personnelle grave.

Importance particulière à accorder aux années passées en Suisse durant la fin de l'adolescence et le premier âge adulte ; cas de détresse personnelle grave admis pour un demandeur d'asile arrivé en Suisse alors qu'il était mineur, qui y vit depuis plus de sept ans et qui s'y est intégré tant sur le plan professionnel que social.

Art. 44 Abs. 3 AsylG; Vorläufige Aufnahme wegen schwerwiegender persönlicher Notlage.

Besondere Bedeutung der zwischen Ende der Adoleszenz und Beginn des Erwachsenenalters in der Schweiz verbrachten Lebensjahre. Schwerwiegende persönliche Notlage im Fall eines Asylsuchenden bejaht, der als Minderjähriger in die Schweiz eingereist ist, hier seit mehr als sieben Jahren lebt und sich sozial und beruflich gut integriert hat.

Art. 44 cpv. 3 LAsi; ammissione provvisoria per caso di rigore personale grave.

Rilevanza particolare rivestono, nell'esame dell'integrazione, gli anni trascorsi in Svizzera tra la fine dell'adolescenza e l'entrata nella vita adulta. Caso di rigore personale grave di un richiedente l'asilo che da più di sette anni vive in Svizzera, dove è giunto ancora minore e che si è integrato professionalmente e socialmente.

Résumé des faits :

S. N. a déposé une demande d'asile en Suisse le 4 mai 1994. Il est venu rejoindre son père, en Suisse depuis 1985, dont la demande d'asile a été rejetée et qui a obtenu une autorisation de séjour de police des étrangers (art. 13 let. f OLE).


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Par décision du 28 août 1995, l'ODR a rejeté la demande d'asile de l'intéressé. Le 29 septembre 1995, l'intéressé a recouru contre la décision de l'ODR en ce qu'elle prononce son renvoi de Suisse et ordonne l'exécution de cette mesure. Il s'est référé à une prise de position du Service de protection de la jeunesse du canton de Vaud. Il a joint cette prise de position à son recours.

Après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile, la Commission a demandé à l'ODR de se prononcer sur la question de l'existence d'un cas de détresse personnelle grave. Invité par l'ODR à se déterminer sur cette même question, l'autorité cantonale a déposé un rapport daté du 28 août 2000 par lequel elle a proposé l'admission provisoire du recourant. Dans sa prise de position du 22 décembre 2000, l'ODR a considéré que les conditions d'une situation de détresse personnelle grave n'étaient pas réalisées. Il a par conséquent maintenu sa décision prononçant l'exécution du renvoi et a proposé le rejet de la proposition cantonale. Par la suite, le recourant a versé au dossier un jugement d'acquittement, daté du 17 mai 2001, et un contrat de travail.

La Commission a reconnu que le recourant se trouvait dans un cas de détresse personnelle grave, et a invité l'ODR à prononcer son admission provisoire.

Extraits des considérants :

6. a) La demande d'asile ayant été déposée il y a plus de quatre ans, il y a lieu d'examiner si le recourant se trouve dans un cas de détresse personnelle grave qui justifierait le prononcé d'une admission provisoire (art. 44 al. 3 LAsi).

b) Aux termes de l'art. 44 al. 4 LAsi, lors de l'examen du cas de détresse personnelle grave, il sera notamment tenu compte de l'intégration des intéressés en Suisse, des conditions familiales et de la scolarité des enfants. Aux termes de l'art. 33 OA 1 dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er août 2001 (RO 2001 1750), il y a détresse personnelle grave, pouvant justifier que l'admission provisoire soit ordonnée, lorsque, en raison de la durée du séjour en Suisse et des circonstances personnelles entourant le requérant, ce dernier entretient une relation étroite avec la Suisse, notamment s'il s'est bâti en Suisse une vie économique durable ou s'il a la charge d'un ou de plusieurs enfants qui suivent une formation en Suisse depuis plus de quatre ans de manière ininterrompue et qu'une formation convenable ne leur est pas garantie dans le pays dans lequel ils devraient être renvoyés.

c) La Commission a précisé les éléments à prendre en considération pour déterminer l'existence d'un cas de détresse personnelle grave (JICRA 2001 n° 10), 


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conformément à la ligne tracée par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence relative à l'art. 13 let. f OLE. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas de détresse personnelle grave ; la jurisprudence en a ainsi décidé même dans le cas où l'intéressé se trouverait en Suisse depuis sept à huit ans. Il faut par contre que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (ATF 123 II 125 consid. 2, p. 127). Parmi les éléments jouant un rôle pour admettre le cas de détresse personnelle, on tiendra compte d'une très longue durée de séjour en Suisse, d'une intégration sociale particulièrement poussée, d'une réussite professionnelle remarquable, d'une maladie grave ne pouvant être soignée qu'en Suisse, de la situation des enfants, notamment d'une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Il se justifie aussi de tenir compte de la situation particulière qui est celle des requérants d'asile par rapport aux autres étrangers. En effet, le requérant d'asile est contraint de rompre tout contact avec son pays d'origine et provient en outre souvent d'un environnement socioculturel très différent du nôtre, de telle sorte qu'il éprouve généralement plus de difficultés à s'adapter à son nouveau milieu que le travailleur étranger. Seront des facteurs allant en sens opposé le fait que l'intéressé n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir à l'aide sociale, ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, de manière à permettre une réintégration facile (A. Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 53/1997 I, p. 292). Lors de l'appréciation du cas de détresse personnelle grave, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance du cas de détresse personnelle grave n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse.

d) Le recourant vit en Suisse depuis plus de sept ans et il exerce une activité lucrative régulière qui lui permet d'être financièrement indépendant. Il n'a pas de dettes. Il s'est ainsi bâti en Suisse une vie économique durable. Le recourant n'a pas non plus d'antécédents judiciaires en Suisse (cf. jugement du 17 mai 2001, qui l'acquitte entièrement de tous les chefs d'accusation retenus contre lui dans le cadre d'une procédure pénale impliquant également d'autres personnes). Jusqu'à son départ du Sri Lanka, le recourant y fréquentait l'école. A son arrivée en Suisse, il a d'abord suivi des cours de français puis a commencé de travailler. La Commission observe que le recourant, alors encore mineur, est venu en Suisse à une période importante de son développement. Il a quitté l'école en même tant que son pays. Son intégration réussie dans le monde du travail s'est opérée en Suisse, où il a ainsi acquis son indépendance financière et où il a démontré son 


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aptitude à s'intégrer également socialement. Aux termes du jugement du 17 mai 2001, les renseignements concernant le recourant sont favorables, son comportement et son genre de vie n'ont jamais donné lieu à des plaintes, et son employeur le dit efficace et ponctuel et en est satisfait. Le recourant a ainsi passé en Suisse cette période essentielle qu'est la fin de l'adolescence et l'entrée dans la vie adulte. Il ne fait nul doute que son développement social et culturel auront été fortement influencés par le milieu qu'il a trouvé en Suisse et que c'est ici qu'il a achevé de forger sa personnalité. Ainsi, compte tenu notamment de l'âge auquel il est arrivé en Suisse, de son intégration et de la durée de son séjour, il y a lieu de considérer qu'un retour dans son pays constituerait un déracinement et qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle grave.

e) Cela étant, et considérant qu'il ne ressort du dossier aucun élément dont il résulterait que le recourant aurait compromis la sécurité et l'ordre public ou qu'il leur aurait porté gravement atteinte (art. 14a al. 6 LSEE), il appartient à l'ODR de prononcer son admission provisoire.

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