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Extraits de la décision de la CRA du 9 mars 2001, D. R., Bosnie-Herzégovine

[English Summary]

Art. 3 LAsi : conditions auxquelles une sanction pour violation des obligations militaires peut conduire à la reconnaissance du statut de réfugié; application des lois d'amnistie en Bosnie-Herzégovine.

1. A certaines conditions seulement, les personnes qui se soustraient à leurs obligations militaires peuvent être considérées comme réfugiées, notamment si elles démontrent qu'elles se verraient infliger pour ces infractions une peine d'une sévérité disproportionnée du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (consid. 8d/da).

2. Les lois d'amnistie de la "Republika Srpska" et de la Fédération croato-musulmane sont applicables à toutes les infractions aux devoirs de servir commises entre le 1er janvier 1991 et le 22 décembre 1995. Les infractions de ce type, réalisées durant cette période, ne justifient pas une crainte fondée de persécutions futures (consid. 8d/db et dc).

Art. 3 AsylG: Asylrechtliche Relevanz von Sanktionen wegen Nichterfüllung der Militärdienstpflicht. Anwendung der Amnestiegesetze in Bosnien-Herzegowina.

1. Personen, welche sich der Militärdienstpflicht entzogen haben, können die Flüchtlingseigenschaft nur unter bestimmten Voraussetzungen erfüllen, insbesondere wenn sie wegen ihrer Weigerung, Militärdienst zu leisten, auf Grund ihrer Rasse, Religion, Nationalität, Zugehörigkeit zu einer bestimmten sozialen Gruppe oder wegen ihrer politischen Anschauungen mit einer unverhältnismässig strengen Bestrafung rechnen müssen (Erw. 8d/da).

2. Die Amnestiegesetze der "Republika Srpska" und der Kroatisch-Muslimischen Föderation sind auf alle Verletzungen der Militärdienstpflicht anwendbar, welche zwischen dem 1. Januar 1991 und dem 22. Dezember 1995 erfolgt sind. Innert dem genannten Zeitraum begangene Widerhandlungen dieser Art führen nicht zur Annahme einer begründeten Furcht vor zukünftiger Verfolgung (Erw. 8d/db und dc).


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Art. 3 LAsi: condizioni alle quali una sanzione per violazione degli obblighi militari può giustificare il riconoscimento dello statuto di rifugiato; applicazione delle leggi d'amnistia in Bosnia-Erzegovina.

1. Solo a certe condizioni, le persone che si sono sottratte ai loro obblighi militari possono vedersi riconosciuto lo statuto di rifugiate, segnatamente allorquando dimostrano l'esposizione, per inadempienza agli obblighi militari medesimi, ad una sanzione di una severità sproporzionata a causa della loro religione, nazionalità, appartenenza a un determinato gruppo sociale o per le loro opinioni politiche (consid. 8d/da).

2. Le leggi d'amnistia della "Republika Srpska" e della Federazione croato-musulmana sono applicabili a tutte le infrazioni ai doveri di servizio commesse tra il 1°gennaio 1991 e il 22 dicembre 1995. Le infrazioni di cui trattasi commesse in detto periodo non giustificano un timore fondato di future persecuzioni (consid. 8d/db et dc).

Résumé des faits :

Entré en Suisse le 11 septembre 1994, D. R. a d'abord bénéficié d’un permis de séjour de courte durée (" permis L"), puis a été admis provisoirement sur la base de l’arrêté du Conseil fédéral (ACF) du 21 avril 1993. Suite à la levée de cette mesure le 3 avril 1996, il a déposé une demande d'asile le 14 juillet 1997.

A l'appui de sa demande, il a allégué être d’ethnie serbe et avoir été enrôlé de force le 19 avril 1992. Après avoir déserté en juillet 1992, il se serait immédiatement enfui en Serbie, où il a vécu jusqu'à son départ pour la Suisse en septembre 1994. Interrogé sur les motifs qui militaient contre un retour en Bosnie-Herzégovine, il a entre autres déclaré qu’il y était toujours considéré comme un déserteur et serait poursuivi pénalement pour cette raison.

Par décision du 6 novembre 1997, l’ODR a rejeté la demande d’asile de D. R.. Cet office a notamment motivé son rejet par le fait que les craintes de l’intéressé d’être condamné pour désertion n’étaient pas fondées, vu qu’il existait en Bosnie-Herzégovine une loi d’amnistie. Un recours contre cette décision a été interjeté le 9 décembre 1997.

La Commission a rejeté le recours.


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Extraits des considérants :

8. d) Le recourant fait également valoir un risque d’être poursuivi en cas de retour en Bosnie-Herzégovine pour s'être soustrait à ses obligations militaires.

da) Dans ce contexte, il convient tout d'abord de rappeler que, dans les pays où il est obligatoire, le service militaire constitue un devoir civique et le fait de s'y soustraire est souvent une infraction punie par la loi. La crainte des poursuites pour désertion (fait pour un militaire de quitter l'armée sans autorisation) ou insoumission (refus d'un civil d'accomplir ses obligations militaires et de se mettre à la disposition des autorités militaires qui l'ont convoqué) ne constitue en principe pas une crainte fondée de persécutions au sens de l'art. 3 LAsi (cf. HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié [Guide HCR], Genève 1992, p. 43ss). Une personne qui s'est soustraite à ses obligations militaires ne peut être considérée comme un réfugié que dans l'hypothèse où elle pourrait démontrer, ou à tout le moins rendre vraisemblable, qu'elle se verrait infliger pour l'infraction militaire commise une peine d'une sévérité disproportionnée du fait de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social déterminé ou ses opinions politiques (cf. Guide HCR, ibid.). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, l’intéressé n’a jamais eu d’activités politiques, religieuses ou militaires particulières avant son départ du pays.

db) En l’occurrence, force est de constater que tant la "Republika Srpska" (RS) que la Fédération croato-musulmane (Fédération) ont à ce jour adopté une loi d’amnistie concernant notamment les infractions liées aux obligations militaires commises durant la guerre civile.

Pour ce qui a trait à la loi d'amnistie de la RS, celle-ci est entrée en vigueur le 4 juillet 1996 et s’appliquait notamment, selon son premier paragraphe, à toutes les personnes qui avaient commis entre le 1er janvier 1991 et le 14 décembre 1995 des actes déterminants en droit pénal dirigés contre les fondements du système social, la sécurité et les forces armées de la RS. Toutefois, le deuxième paragraphe de cette loi excluait alors expressément de son champ d'application les personnes qui avaient commis des actes de désertion et d'insoumission durant cette période (cf. doc. du 19 mars 1998 du bureau HCR de Sarajevo intitulé "Amnestiegesetze in Bosnien-Herzegovina").

Ce n'est qu'en date du 23 mars 1998 que le ministère de la justice de la RS a proposé divers amendements de loi d’amnistie, lesquels ont été adoptés par l’Assemblée nationale de la RS le 23 février 1999 et mis en vigueur le 23 août 1999. Ces amendements - qui concordent pleinement avec les conditions posées 


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par l’accord de Dayton (cf. art. VI de l’annexe 7 dudit accord) - comprennent notamment l’inclusion des personnes ayant commis des actes de désertion et d'insoumission dans la liste des bénéficiaires de la loi, ainsi que l’amnistie de tous les actes tombant sous le coup de la loi commis entre le 14 décembre et le 22 décembre 1995 (cf. Update HCR, p. 5s.).

En 1999, un programme de surveillance a été mis sur pied par diverses organisations internationales afin d’évaluer le degré d’application de la loi d’amnistie de la RS. Dans ce cadre, le " Judicial System Assessment Programme " (JSAP) de la mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (UNMIBH) a procédé en mars 2000 à une étude durant laquelle six groupes d’observateurs ont contrôlé l’application de ladite loi par divers tribunaux civils et militaires de tailles très diverses. Les résultats de ces recherches ont été publiés en juin 2000 (cf. AMNESTY AND RETURN : A report on Implementation of Amnesty Legislation in the RS [Amnesty and Return]). Il ressort de ce document - dont les résultats sont, selon les auteurs, probablement valables pour toute la RS – que la loi était en règle générale appliquée correctement et qu’il était peu probable qu’une personne entrant dans son champ d’application soit arrêtée (cf. notamment Amnesty and Return, p. 4, 6 et 12).

Pour ce qui a trait à la situation dans la Fédération, une première loi d’amnistie est entrée en vigueur le 1er juillet 1996 et s’appliquait notamment, selon son paragraphe premier, à toutes les personnes qui avaient commis avant le 14 décembre 1995 (délai prolongé par las suite, par la novelle du 24 décembre 1996, au 22 décembre 1995) des actes déterminants en droit pénal dirigés contre les fondements du système social, la sécurité et les forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Le paragraphe premier de cette même loi évoquait expressément la désertion, le refus de servir et le refus de donner suite à une convocation militaire. De plus, ladite loi d'amnistie était déjà à l'époque en règle générale appliquée par les autorités de la Fédération (cf. Update HCR, ibid. ; cf. également le rapport OSAR de septembre 1998, publié dans le bulletin "SFH-Infobörse" n° 4/98 p. 16).

En date du 11 décembre 1999, une nouvelle loi d’amnistie est entrée en vigueur dans la Fédération. Celle-ci ne révoque toutefois pas l’ancienne loi d’amnistie (cf. par. précédent), mais étend simplement son champ d’application à des actes qui n’étaient pas encore couverts auparavant. La nouvelle loi assure de ce fait une protection à pratiquement toutes les personnes ayant commis un acte délictueux entre le 1er janvier 1991 et le 22 décembre 1995, exception faite de certains crimes particulièrement graves, comme par exemple les crimes contre l’humanité et ceux contrevenant à d’autres normes de droit international – notamment les actes définis dans les statuts du Tribunal Pénal International pour 


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l’ex-Yougoslavie (TPIY) – ainsi qu’à divers crimes prévus par le code pénal (assassinat, viol, etc.). Par ailleurs, le ministre de la Justice de la Fédération a ordonné diverses mesures pour garantir l’application de la nouvelle loi par les tribunaux, lesquels semblent d’ailleurs accomplir cette tâche à satisfaction (cf. Update HCR, ibid.).

dc) Au vu de ce qui précède, la Commission estime qu’en l’absence de facteurs particulièrement aggravants (p. ex. fonctionnaire très important ou militaire de très haut grade, personne ayant eu une activité politique intense ou ayant combattu durant une longue période dans une armée majoritairement formée d'une ethnie adverse, etc.), il n’existe plus de risque qu'une personne qui a commis des actes tombant dans le champ d’application des lois d’amnistie soit poursuivie – et à plus forte raison encore condamnée – pour l'un des motifs découlant de l'art. 3 LAsi par les autorités de Bosnie-Herzégovine. Du reste, même si – contre toute attente – une telle procédure devait être encore ouverte ou poursuivie, il suffirait de toute façon à la personne concernée de contester ces actes auprès de l'autorité de recours pour faire valoir ses droits.

e) Au vu de ce qui précède, l'intéressé ne peut faire valoir une crainte fondée de futures persécutions au sens de l'art. 3 LAsi, que ce soit en raison d'une violation de ses obligations militaires ou pour une autre raison.

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