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Extraits de la décision de la CRA du 22 décembre 1998, E.M., Bosnie-Herzégovine

[English Summary]

Art. 12 et 19 PA, art. 40 PCF; art. 14a, al. 1 et 4 LSEE: Valeur probante et appréciation d'un certificat médical; analyse de la situation en Bosnie-Herzégovine (demande de reconsidération).

  1. Caractère non pertinent d'un certificat médical, vague et sommaire, établi à la demande de la recourante afin de démontrer des troubles psychiques (consid. 5).

  2. Exigibilité de l'exécution du renvoi en Bosnie-Herzégovine. Analyse de la situation politique, économique et sociale en Bosnie-Herzégovine. Examen de la situation médicale dans la Fédération croato-musulmane (consid. 6).

Art. 12 und 19 VwVG, Art. 40 BZP, Art. 14a Abs. 1 und 4 ANAG: Beweiswert und Würdigung eines Arztzeugnisses; Beurteilung der allgemeinen Lage in Bosnien-Herzegowina (Wiedererwägungsgesuch).

  1. Fehlende Schlüssigkeit eines oberflächlichen und summarischen Arztzeugnisses, welches auf Ersuchen der Beschwerdeführerin zum Nachweis von psychischen Störungen ausgestellt wurde (Erw. 5).

  2. Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzuges nach Bosnien-Herzegowina. Würdigung der politischen, wirtschaftlichen und sozialen Situation in Bosnien-Herzegowina. Prüfung der Frage der medizinischen Versorgung in der kroatisch-muslimischen Föderation (Erw. 6).


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Art. 12 e 19 PA, art. 40 PC; art. 14a cpv. 1 e 4 LDDS: valore probatorio e apprezzamento di un certificato medico ; analisi della situazione in Bosnia-Erzegovina (domanda di riesame).

  1. Inconcludenza di un certificato medico, vago e sommario, allestito su domanda della ricorrente alfine di dimostrare dei disturbi psichici (consid. 5).

  2. Esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento in Bosnia-Erzegovina. Analisi della situazione politica, economica e sociale in Bosnia-Erzegovina. Esame della situazione medica nella federazione croato-musulmana (consid. 6).

Résumé des faits:

E. M., jeune femme de religion musulmane, est entrée en Suisse en compagnie de son frère le 17 janvier 1996. Entendue sur ses motifs d'asile, elle a déclaré être originaire d'une localité à majorité musulmane située dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, dominée durant la guerre civile par le dissident musulman Fikret Abdic. Après la prise de cette ville par le 5e corps de l'armée régulière bosniaque en août 1995, elle aurait été contrainte à effectuer divers travaux. Il lui aurait également été reproché d'avoir soutenu Fikret Abdic.

Par décision du 15 avril 1996, l'ODR a rejeté la demande d'asile de l'intéressée, mais l'a mise au bénéfice de l'admission provisoire collective prévue par l'Arrêté fédéral du 21 avril 1993. E.M. n'a pas recouru contre cette décision.

En date du 23 avril 1998, E. M. a demandé la reconsidération de la décision du 15 avril 1996. A l'appui de sa requête, elle a fait valoir que les soldats du 5e Corps de l'armée bosniaque se seraient livrés à de graves exactions lors de la prise de sa ville, en particulier à l'encontre des jeunes femmes. Elle-même aurait alors été violée à plusieurs reprises. Gravement traumatisée par ces actes de violence, elle aurait été hors d'état d'en parler plus tôt. De plus, sa famille le lui aurait formellement interdit.

Par décision du 24 août 1998, l'ODR a rejeté la demande de reconsidération de l'intéressée, dit Office estimant notamment que les graves sévices allégués étaient invoqués de manière tardive.


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En date du 17 septembre 1998, l'intéressée a interjeté recours contre cette décision. Elle a conclu à l'octroi de l'asile et, subsidiairement, à la mise au bénéfice de l'admission provisoire. A l'appui de son recours, elle a dans l'ensemble fait valoir les mêmes arguments que durant la procédure devant l'ODR. Elle a maintenu qu'elle était dans l'impossibilité psychique de parler plus tôt des viols subis. Au vu du caractère décisif en matière d'asile de ses nouvelles allégations, l'ODR aurait dû en tenir compte malgré leur retard. Au surplus, l'intéressée a estimé qu'au vu de son état psychique et de la situation actuelle dans son pays d'origine, son renvoi ne serait pas raisonnablement exigible.

A l'appui de ses dires, la recourante a produit un certificat médical, daté du 7 septembre 1998, établissant qu'elle présente des "séquelles d'un trouble post-traumatique" et qu'un retour dans son pays "mettrait gravement en danger son état psychique".

La CRA a rejeté le recours.

Extraits des considérants :

[consid. 1 à 4: recevabilité et conditions nécessaires pour une demande de reconsidération].

5. En l'espèce, la Commission n'a toutefois pas de raison d'examiner si la recourante a été sans sa faute empêchée d'invoquer ces faits à temps et si ceux-ci sont importants au sens mentionné ci-dessus, vu que les graves sévices allégués ne sont manifestement pas crédibles. Après étude du dossier de la recourante et de celui de son frère (…), il semble établi qu'aucun des membres de la famille de l'intéressée n'a déployé une activité particulière en faveur [...] [du] dissident musulman Fikret Abdic. Il est certes de notoriété publique que les troupes du 5e corps de l'armée bosniaque se sont rendues coupables de divers actes de vengeance à l'égard des partisans affichés de Fikret Abdic et des membres de son armée – qu'ils considéraient comme des traîtres à la cause musulmane - ainsi que de certains membres de leur famille. Aucune des sources d'information à disposition de la Commission ne mentionne toutefois que les soldats de cette formation se soient alors livrés à des viols collectifs, ni à l'égard de la population dans son ensemble, ni même à l'encontre des catégories de personnes mentionnées ci-dessus. Cette allégation de la recourante est d'autant moins convainquante que la Commission n'a 


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connaissance d'aucun autre viol collectif commis par les belligérants à l'encontre de femmes appartenant à leur propre ethnie. De plus, les déclarations de la recourante au sujet des viols subis sont vagues et inconsistantes et ne donnent pas l'impression que celle-ci ait véritablement vécu ces graves sévices. Au surplus, ni les auditions de la recourante, ni celles de son frère (…), ne laissent entrevoir – même de manière indirecte - que les troupes de l'armée régulière se seraient rendues coupables de graves actes de cruauté à l'encontre de l'ensemble de la population. Enfin, la Commission constate que la recourante n'a pas été en mesure d'étayer ces allégations par la production d'un moyen de preuve.

A titre d'indice supplémentaire, la Commission relève que la requérante a consulté à plusieurs reprises un médecin généraliste durant les deux années passées en Suisse et que celui-ci ne semble rien avoir remarqué d'anormal, vu qu'il n'a pas jugé nécessaire de la diriger vers un spécialiste compétent pour traiter les graves séquelles causées en règle générale par des actes de violence d'une telle intensité. Enfin, il n'est pas non plus inutile de mentionner que la recourante, malgré les très graves sévices qu'elle dit avoir subi dans son pays d'origine, a suivi pendant plusieurs mois une formation pré-professionnelle en vue de la préparation à son retour en Bosnie-Herzégovine, ce qui laisse à penser que l'idée d'un retour dans son pays ne lui était alors pas insupportable.

S'agissant du certificat médical produit par la recourante, la Commission constate que celui-ci n'est nullement propre à rendre vraisemblable que la recourante a effectivement été violée. Ce document se contente en effet de mentionner que l'intéressée "souffre des séquelles d'un trouble post-traumatique" sans indiquer quelle serait la cause de cette affection. Au surplus, au vu des conditions dans lesquelles il a été établi, ledit certificat n'a de toute façon qu'une valeur probatoire restreinte. Ce document – au demeurant fort bref (9 lignes !) - a en effet été établi à la demande de l'intéressée après une seule (!) consultation. De plus, il semble que la personne qui l'a établi est un médecin-assistant, ce qui permet de douter que ce praticien ait déjà l'expérience nécessaire pour définir avec précision – surtout en si peu de temps - si l'intéressée souffre de troubles dus à des événements traumatisants vécus dans son pays ou si son état psychique actuel est uniquement dû à la grande tension liée à la menace d'un renvoi imminent dans son pays. Enfin la Commission relève que, malgré la gravité des troubles dont l'intéressée dit souffrir, l'unique consultation a eu lieu le 4 septembre 1998, soit près de cinq mois après que l'intéressée eut enfin "trouvé la force" de parler des viols qu'elle a subis et quelques jours seulement avant que la mandataire ne dépose


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son recours auprès de la Commission. Or, il semble que les délais de consultation du (…) sont de un mois maximum pour les patients ne présentant pas d'urgence, alors que les cas aigus sont pris immédiatement en charge.

Au vu de ce qui précède, la Commission ne saurait admettre la réalité des viols que l'intéressée allègue avoir subis dans son pays. Dans ces conditions, c'est à bon droit que sa demande de reconsidération a été rejetée sur ce point.

6. L'intéressée estime également qu'au vu de son état psychique et de la situation actuelle dans son pays d'origine l'exécution de son renvoi ne serait pas raisonnablement exigible.

a) La Commission rappelle que depuis la signature des accords de Dayton par les belligérants le 14 décembre 1995, soit il y a plus de trois ans, la Bosnie-Herzégovine ne connaît plus une situation de guerre civile. A l'heure actuelle, une force d'interposition de l'OTAN d'environ 30'000 hommes, la SFOR (Stabilisation force), dont le mandat n'est pas limité dans le temps, est responsable du maintien de l'ordre dans ce pays. Certes, des incidents graves (p. ex. destruction de logements de personnes désirant retourner à leur lieu d'origine situé dans une zone où elles sont ethniquement minoritaires, manifestations violentes lors du retour de réfugiés d'une autre ethnie, etc.) continuent de se produire dans certaines régions, sises dans leur majorité dans la zone de la Fédération croato-musulmane (Fédération) où les personnes d'ethnie croate sont majoritaires ainsi que dans la "Republika Srpska". Toutefois, force est de constater que le pays connaît actuellement des conditions de stabilité et de sûreté acceptables et que tout danger de reprise de la guerre civile semble définitivement écarté.

b) A l'heure actuelle, la Bosnie-Herzégovine, qui a perdu la plus grande partie de ses marchés traditionnels et dont l'infrastructure à été ravagée par la guerre civile, se trouve dans une situation économique difficile et connaît un taux de chômage important, toutes régions ethniques confondues. Les emplois sont souvent attribués en fonction de critères ethniques et non professionnels. De plus, ceux qui ont séjourné à l'étranger durant la guerre connaissent des difficultés supplémentaires à trouver un emploi, vu qu'ils sont souvent considérés comme des privilégiés, voire des traîtres, par la population restée au pays durant la guerre. D'une manière générale, une grande partie de la population est encore tributaire de l'aide internationale ou/et de versements de parents habitant à l'étranger.


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c) Il convient par ailleurs de relever qu'à de rares exceptions près (cf. en particulier le programme du HCR concernant les "Open cities"), le retour à leur lieu d'origine de personnes provenant d'une zone où elles sont actuellement ethniquement minoritaires est encore particulièrement difficile, voire dans certains cas particuliers totalement impossible. D'une manière générale, l'opposition au retour des anciens habitants appartenant à une ethnie minoritaire est particulièrement forte dans la partie orientale de la "Republika Srpska" (p. ex. Srebrenica) ainsi que dans certaines parties de la Fédération à majorité ethnique croate.

d) En ce qui concerne les personnes déplacées qui voudraient se réinstaller dans une localité où leur ethnie est majoritaire, force de constater qu'elles connaissent souvent des difficultés à s'inscrire officiellement auprès des autorités communales. Cela est tout particulièrement le cas pour ceux qui ont séjourné un certain temps à l'étranger et qui sont de ce fait considérés comme des personnes privilégiées. Or, c'est précisément de l'inscription officielle dans les registres d'une commune que dépend l'accès aux services de santé publique, aux soins médicaux, à la sécurité sociale, à l'aide alimentaire, à l'aide sociale et aux prestations de retraite (cf. pt. 2.39 du document HCR intitulé "Exposé de la position du HCR en ce qui concerne les catégories de personnes originaires de Bosnie-Herzégovine qui continuent d'avoir besoin d'une protection internationale").

e) S'agissant de situation médicale, la Bosnie-Herzégovine doit faire face à une réorganisation complète de son système de santé. Les infrastructures - souvent déjà obsolètes avant la guerre - ont été gravement endommagées dans les régions où les combats ont été les plus violents. De plus, une partie du personnel médical à fui le pays durant la guerre civile. La situation médicale s'est toutefois bien améliorée depuis la fin des hostilités, tout particulièrement dans la Fédération. Dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine, divers centres médicaux et cliniques ont été reconstruits ou modernisés grâce à l'aide internationale et il existe déjà une série d'institutions (p. ex. dans le domaine des soins aux personnes souffrant de troubles psychiques et de l'aide aux handicapés), mises en place notamment par des organisations non-gouvernementales ou par des associations humanitaires. La restructuration totale du domaine médical dans la Fédération prendra cependant encore des années. A l'heure actuelle, des soins simples ou courants semblent être en règle générale partout accessibles dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine. Les soins complexes (p. ex. chimiothérapies, chirurgie cardiaque, etc.) ne sont par contre pas partout disponibles. Les personnes concernées doivent souvent 


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se faire soigner dans des grands centres médicaux (Sarajevo, Tuzla, Zenica, etc.) où la plupart des traitements sont possibles.

En ce qui concerne l'approvisionnement en médicaments dans la Fédération, les remèdes de base importants semblent en tout cas être disponibles dans les grands centres urbains. L'approvisionnement n'est par contre pas assuré à satisfaction dans certaines régions excentrées. Il faut également mentionner qu'il existe principalement deux types de pharmacies, celles d'Etat où certains médicaments importants peuvent parfois faire défaut et celles tenues par des privés, dans lesquelles on trouve à peu près tous les médicaments, mais qu'il faut payer au prix fort.

D'une manière générale, le problème principal dans le domaine médical ne semble pas être la qualité des soins offerts, mais plutôt leur financement. La gratuité complète des soins qui prévalait sous l'ancien système socialiste n'existe plus, les patients devant souvent prendre à leur charge une partie des frais médicaux ou même verser un dépôt avant le début du traitement. L'accès à des soins gratuits est subordonné à l'enregistrement auprès des autorités municipales du lieu de résidence (cf. consid. 6d). Lorsque ce n'est pas le cas, seules certaines catégories de personnes particulièrement défavorisées (veuves et invalides de guerre, personnes âgées, etc.) peuvent espérer avoir droit à des soins gratuits ou à des frais médicaux réduits. De plus, le système d'assurance est encore inefficace et la restructuration des services sociaux est loin d'être achevée (cf. pt. 3.3 du document HCR précité).

Au vu de ce qui précède, la Commission estime que l'exécution du renvoi de personnes indigentes gravement malades et dépourvues d'un réseau familial suffisant pour les prendre en charge n'est en règle générale pas encore raisonnablement exigible.

f) En l'espèce, la Commission estime que l'exécution du renvoi de la recourante est exigible. En effet, contrairement à ce que prétend la mandataire - qui n'ignorait pourtant pas ce fait puisqu'elle avait déjà défendu le frère de l'intéressée - la recourante ne provient pas d'une zone où elle serait actuellement ethniquement minoritaire. Sa région d'origine [...] est en effet à majorité musulmane. De plus, la famille de la recourante y vit encore dans sa propre maison. Au surplus, la Commission constate qu'au moins le père de l'intéressée semble faire partie des rares personnes qui ont un emploi (travailleur émigré en Slovénie). De plus, la recourante est jeune (20 ans) et dispose déjà d'une certaine formation professionnelle. Quant aux troubles de 


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santé mentionnés dans le certificat médical du 7 septembre 1998, la Commission estime que même s'ils étaient établis à suffisance (cf. consid. 5 ci-dessus), ils n'auraient de toute façon pas une importance suffisante pour mettre l'intéressée concrètement en danger en cas de renvoi dans son pays. D'une part, la recourante étant en mesure de retourner à son lieu d'origine, à majorité musulmane, une inscription auprès de la municipalité est objectivement possible. Ainsi, l'accès aux soins médicaux lui est en principe garanti. D'autre part, disposant d'un point de chute auprès de sa famille restée sur place, il ne fait pas de doute que l'intéressée pourrait, si nécessaire, compter sur son soutien tant affectif que financier. Dans ces conditions, et malgré les difficultés d'ordre socio-économique et politique que connaît actuellement la Bosnie-Herzégovine, la Commission estime que l'on peut manifestement attendre de l'intéressée qu'elle fasse les efforts nécessaires pour sa réintégration dans son pays. L'exécution du renvoi apparaît donc comme étant raisonnablement exigible.

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